Il est peu de dire que parmi les catholiques, les questions liées au genre suscitent des débats animés. Qu'en dit l'Église catholique ? Si elle insiste sur la non-dissociation du sexe et du genre, et interroge l’engendrement, elle plaide aussi pour un diagnostic de notre société. Face à l’explosion des demandes chez les jeunes pour changer de genre, il y a lieu en effet d'explorer ce nouveau vertige éthique.
Il est peu de dire que parmi les catholiques, le genre suscite des débats animés. Mais que dit l'Église catholique ? Si elle insiste sur la non-dissociation du sexe et du genre, et s'interroge sur l’engendrement, elle plaide aussi pour un diagnostic de notre société. "C’est différent d’accompagner une personne dans sa singularité, explique le Père Bruno Saintôt, jésuite, et de s’interroger ensemble, si possible sans violence, sur ce qui nous arrive collectivement. Quand il y a une grande convergence et une explosion des demandes, on peut se dire : pourquoi cela arrive maintenant ?"
L’Église prône avant tout le mystère de la personne, rappelle Bruno Saintôt. Aux yeux du jésuite, ce qu’il appelle un "resserrement des identités" ne paraît "pas chrétien". Selon lui, "un ensemble de caractéristiques n’a jamais défini ce qu’est une personne dans son mystère". Par ailleurs, les chrétiens croient que les êtres humains sont "à l’image d’un Dieu qui est mystère". "C’est un bien fait de ne pas pouvoir définir qui nous sommes précisément !"
Aujourd’hui, sur certains sites internet, comme des sites de rencontre, il est possible de cocher des cases pour se définir : on recense plus de 50 catégories de genres différentes. Un véritable "vertige de l’identité" qu’observe le jésuite Bruno Saintôt.
Avec un paradoxe : à la fois on se refuse à être catégorisé, à la fois on décline "une multitude d’identifications". "Qu’est-ce que ça veut dire de vouloir sortir des catégories qui sont données et d’en créer d’autres, finalement à l’infini ?" demande Bruno Saintôt. Chacun pourrait être tenté finalement de "revendiquer sa singularité comme un genre particulier…"
Il y a chez les adolescents une volonté de "prouver qu’on est libre en refusant un système ancien", analyse Bruno Saintôt. Par le biais d’internet, "les influences sont de plus en plus fortes chez les adolescents" qui se trouvent "imprégnés de discours qui en fait les imprègnent".
Il est donc nécessaire de "favoriser la pensée critique" chez ces jeunes, conseille le jésuite. De les encourager à "s’interroger sur l’être". "Qu’est-ce qui fait qu’un être tient ? avec qui ? a-t-il de la consistance en lui-même ?" On peut aussi encourager "une forme de spiritualité, c’est-à-dire d’intériorité", dans le but de "fortifier l’être intérieur".
Au-delà des questions sur le genre, il y a dans notre société un resserrement sur les identités, regrette Bruno Saintôt. Aussi, que l’on se dise traditionnaliste ou progressiste, de plus en plus de personnes se trouvent "tenues par des courants sociaux et politiques, qui en fait définissent leur propre identité".
Pour en revenir au genre et au changement de sexe, la question sous-jacente est : "Est-ce que le corps a encore une signification ?", s’inquiète Bruno Saintôt. "Depuis les années 70, il y a un courant qui prétend faire disparaître la signification du corps : à la fois il ne dit plus rien, il ne signifie plus rien et ne fait pas de lien." Le corps réduit à "un instrument".
Sans céder à la panique du transhumanisme, il faut "être éveillé" sur ces questions. Il peut y avoir "des utopies technologiques" à l’œuvre derrière les discours, avance le prêtre. Comme celle de l’utérus artificiel, qui pose un certain nombre de questions.
"La non-dissociation entre le corps et l’esprit, entre le corps et l’âme ou le corps et la volonté, me paraît être un critère essentiel", rappelle Bruno Saintôt. Essentiel aussi, le débat. "Pouvoir avancer des arguments contraires à une forme de doxa, ce n’est pas forcément qu’on est phobe quelque chose", prévient le jésuite. Il insiste sur "la fragilité" de certains adolescents perméables à certains discours et qui "ont besoin d’être protégés".
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