Ils travaillent et pourtant certains d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Avec l'inflation, ceux que l'on appelle les "travailleurs pauvres" voient leur difficulté s'accentuer. Ils seraient en France plus d’un million. Comment est-ce possible ? Qui sont exactement les travailleurs pauvres ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts, et pourtant ils travaillent. Parfois dur, parfois très tôt, mais souvent avec des trous dans l’emploi du temps, ou seul parent avec des enfants au foyer. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté, puisque un travailleur pauvre est une personne qui travaille mais dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France, et selon l’INSEE, ils sont un million à vivre avec 1.100 euros par mois, ce sont ceux que l’on appelle les "travailleurs pauvres". Travail précaire, à temps partiel, leur revenu trop justes ont des conséquences sur leur vie sociale. Ils s’isolent, au point de finir par être invisibles. Pourtant, nous nous croisons tous les jours, sans connaître leur contrainte, leur honte, et parfois leur courage. Alors les clichés parfois s’accumulent.
Les travailleurs pauvres et les chômeurs ne sont pas à confondre et pourtant ils vivent des situations souvent similaires. Une perte de revenu, un manque d’aides sociales, une discrimination de la part de la société, une perte de lien social. Les conditions de travail proposées ne sont pas toujours les meilleures et les revenus perçus ne correspondent pas toujours à la charge de travail.
Il existe donc une véritable fracture sociale pour cette catégorie de population. Selon l’INSEE, ils seraient 9,1 millions de français à vivre sous le seuil de pauvreté monétaire.
Dans la pyramide de Maslow, le besoin d’accomplissement et d’estime font partie des 5 piliers fondamentaux de l’équilibre psychologique humain. Par ailleurs, la société est très normative, elle semble dicter ce qu'est une vie réussie, faite de vacances, de loisirs, de repas de qualité et de vêtements à la mode. Aujourd’hui, les travailleurs pauvres sont alors exclus de la société. "Pour assurer une sécurité financière à ces personnes, il faudrait remettre la sécurité sociale universelle, comme dans les années 2000", défend Michel-Pierre Chélini, professeur agrégé d'Histoire économique contemporaine, à l’université d’Artois et à l’Institut catholique de Paris.
Beaucoup de clichés prennent racine dans l’esprit des Français comme celui d'une fraude massive aux aides publiques. Jacques, auditeur de RCF, témoigne en tant que chef d’entreprise : "des salariés refusaient de réclamer des aides sociales parce qu’ils étaient jeunes et ne voulaient pas être assistés et assimilés aux personnes réputées tricheuses envers le système". L’aide sociale est un droit et pourtant il semble difficile de la demander. "
L'Inspecteur de l’Action Sanitaire et Sociale (IASS) a mené une enquête auprès des tricheurs du CMU (Complémentaire santé solidaire). Il y a 0,4 % de tricheurs vérifiés. Bruno Tardieu, volontaire permanent à ATD-Quart Monde, attaché au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski, dénonce les méandres administratifs. Deux types de pauvres existent, le pauvre tricheur et le pauvre méritant. C’est une discrimination indirecte envers des personnes dont l’existence est réduite à une feuille de papier.
En effet, chaque année, pour toucher le CMU, il faut refaire l’intégralité des démarches administratives. Beaucoup d’erreurs sont commises, un manque de documents, un retard de dossier, etc. Certains parlent de non-recours pourtant Bruno Tardieu affirme "un non-accès". Cette mauvaise image qui colle à la peau des plus pauvres traverse le temps. "Lorsqu’on remonte au XIXe siècle, on parlait de classe laborieuse et de classes dangereuses. La défiance vient souvent de l’ignorance”, raconte Michel-Pierre Chélini.
En 2021, le taux de pauvreté était de 14,5 % en France. Les travailleurs pauvres subissent des discriminations indirectes, en particulier les familles monoparentales et les chômeurs. Certains travaillent à temps partiel mais ne gagnent pas assez. D’autres gagnent le SMIC mais cela ne suffit pas à faire vivre leur famille. Anne Brunner, Directrice des études de l’Observatoire des inégalités, détaille le succès de la prime d’activité qui a permis de compléter le revenu des plus pauvres. Mais il y a toujours une augmentation de la pauvreté chez les inactifs. Anne Brunner conclut sur les possibles moyens de la France à soutenir les revenus des pauvres. "Il faudrait 7 milliards d’euros pour soutenir tous les revenus en dessous du seuil de pauvreté".
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