Avec la crise ukrainienne émergent d'autres cris que ceux des réfugiés qui fuient la guerre. Ce sont des cris qui disent l'incompréhension, le malaise, une forme de désespoir. Ils viennent de toutes celles et ceux qui travaillent, soutiennent, accueillent, accompagnent des réfugiés depuis des années.
Il y a d’abord celui de Valérie Duval-Poujol, vice-présidente de la Fédération protestante de France, théologienne baptiste. Dans l’hebdomadaire Réforme, elle dit la différence de traitement dans les malheurs du monde. Si elle ne nie évidemment pas le besoin de se mobiliser pour les réfugiés ukrainiens, elle refuse d’oublier les autres, ces hommes et ces femmes qui vivent sous la terreur, en Haïti par exemple. Elle écrit : “Les engagements, comme l’amour à l’arrivée d’un nouvel enfant, devraient non pas mettre en concurrence, retrancher, amputer, mais plutôt toujours s’additionner, se multiplier, libérer des énergies, ouvrir de nouvelles perspectives.”
Et puis il y a le cri de ma fille Emma, 25 ans. Bénévole à La Croix- Rouge, au service de la restauration des liens familiaux, elle me raconte, la voix étranglée, sa rencontre avec un jeune Congolais. Il est arrivé il y a 15 jours en France, via le Maroc et l’Espagne, il a 14 ans, et a vu son frère périr noyé. Le pied à peine posé sur notre territoire, il a passé six heures pénibles d’entretien pour vérifier son statut de mineur. Emma a peur pour lui. Si elle se réjouit de l’élan de générosité pour l’Ukraine, elle demande : pourquoi deux poids, deux mesures ?
Il y a le cri que j’étouffe en lisant, dans Courrier International, un reportage sur l’Afghanistan, ces parents qui vendent leur bébé et leur petite fille pour acheter à manger, la famine qui guette, le désespoir de tout un peuple, totalement abandonné du reste du monde… Lecture qui ne m’empêche de me mobiliser avec l’association de ma ville pour accueillir au moins cinq familles ukrainiennes, association qui a accompagné 32 réfugiés de 13 nationalités depuis 2015.
Oui il est douloureux de mesurer à quel point la compassion est à plusieurs vitesses, la générosité sélective. On en devine les raisons: en Ukraine la guerre est là, à nos portes. Ces familles vivaient notre quotidien ou presque et l’ampleur de la guerre fait frémir. La terreur en RDC, les preneurs d’otages en Haïti, la famine en Afghanistan, le désespoir en Syrie, ont été chassés par une autre actualité… Et puis c’est loin tout çà et çà dure depuis si longtemps…
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