Le pape est sorti de l’hôpital, mais reste très fragile, comme on l’a vu sur les images du dimanche 23 mars. Quels changements cette situation impose-t-elle à Rome, et à l’ensemble de l’Église catholique ?
Après plus d’un mois d’hospitalisation, le pape François est réapparu dimanche, visage très marqué par la maladie et les traitements, gestes faibles, voix essoufflée, presque suffocante. Malgré sa fragilité il a tout de même pu rentrer chez lui, à la maison Sainte-Marthe. Un retour qui signe moins la fin d’une parenthèse que le début d’un nouveau chapitre. On avait pris l’habitude de voir ses forces diminuer, mais jamais encore le pape de 88 ans n’était apparu si fragile. Alors, même si certains l’avaient enterré un peu vite, même si d’autres (ou parfois les mêmes) regardent désormais avec insistance l’horizon d’une possible renonciation, même si surtout il faut garder en tête qu’à son âge et dans son état, François n’est pas tout à fait sorti d’affaire en réalité, le cœur de la question qui se pose aujourd’hui à l’Église catholique n’est pas là.
Vivre le pontificat autrement vaut autant pour le pape lui-même que pour les fidèles. Moins de voyage, moins d’audiences, moins de centralité et une longue convalescence, ça semble déjà acquis. François revalorise la synodalité, mais paradoxalement il a une gouvernance très verticale. De toute évidence, il n’était pas prêt à mourir, et il considère sans doute qu’il a encore à faire. Ira-t-il jusqu’au bout de ses forces ? Cette décision-là, lui revient pleinement. En revanche, la mission peut tout à fait changer pourquoi pas se transfigurer ! Au fond : en quoi le pape a-t-il le plus manqué depuis le 14 février ? Comme une voix pour appeler à la raison et à l’espérance dans ce monde fou et en crise. Mais regardez ce qui s’est passé : comme dans un jeûne, la privation nous a recentrés sur l’essentiel. On a vu que, même avec le souffle court, de rares et brefs messages faisaient porter autant, sinon plus, son autorité morale et spirituelle.
On se souvient, il y a 20 ans du message du pape Jean-Paul II à la fin de sa vie. On sait aussi, depuis le livre des Rois, dans la Bible, que Dieu se manifeste moins dans l’ouragan ou le feu que dans « le murmure d’une brise légère ». Dans l’absence, c’est en fait une autre forme de présence qui se vit. À une époque qui ne valorise rien tant que l’efficacité et l’apparence de puissance, la toute-impuissance d’un vieil homme physiquement empêché témoigne d’une autre fécondité.
Dans ce carême, nous avons commencé à expérimenter un « jeûne » de la parole du pape. Mais aussi une nouvelle forme de communion avec lui. Rappelez-vous, le soir de son élection, François demandait à la foule de prier pour lui. À travers les intentions et les veillées, toute l’Église catholique continue de répondre à cette demande. Comme les premiers chrétiens priant pour Pierre emprisonné, le successeur de l’apôtre est porté par la prière de croyants, urbi et orbi. Quelle que soit la durée de cette convalescence, cet élan inspirera peut-être une attention plus grande aux fragilités et aux injustices de notre époque.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
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