L'épidémie de coronavirus est en pleine croissance en Russie. Le 24 octobre dernier, alors qu’on comptait 4.700 décès quotidiens dans le monde, il y avait plus de 1.100 morts par jour en Russie, soit un quart du total des décès dans le monde.
Alors que le gouvernement russe ne recense que 231.669 décès de la Covid, les experts ont noté une surmortalité de plus de 600.000 personnes en Russie depuis mars 2020. La situation est d’autant plus inquiétante que les Russes n’ont pas confiance dans leur vaccin, Spoutnik V. Seuls 25% des Russes se seraient fait vacciner et, selon un sondage récent, il n’y a qu’un Russe sur deux qui soit prêt à se faire vacciner.
De plus, cette situation dramatique en Russie commence à se répandre chez ses voisins. En Ukraine, on est passé ces derniers jours à près de 400 décès quotidiens. En Roumanie, ce sont 381 personnes qui sont mortes pour la seule journée de dimanche dernier. L’inégalité d’accès aux bons vaccins ne se trouve donc pas seulement entre le Nord et le Sud. Il existe aussi une fracture vaccinale entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est.
Alors peut-on rester en Europe de l’Ouest les bras croisés ? Comme chacun le devine, on ne pourra sortir de la pandémie que de façon collective. Tant qu’on ne cherchera pas à éradiquer ensemble le virus, de nouveaux variants toujours plus virulents apparaîtront sans cesse. Le problème est que pour parvenir à cet effort collectif, il faudrait pouvoir s’appuyer sur des États efficaces et désireux de protéger leurs propres populations.
Or l’Etat russe a tardé à prendre les bonnes décisions pour convaincre ses citoyens de se protéger. Il ne dispose manifestement pas de la confiance de sa population malgré ce qu’en dit son service de communication. Le président Poutine s’est même présenté comme le défenseur des valeurs familiales face à un Occident qu’il présente comme décadent. Et cela alors qu’il est impuissant à protéger sa propre population.
Alors face à ce dialogue de sourds, est-ce qu’il n’y a vraiment aucune solution qui permettrait aux Européens de l’Ouest et de l’Est de vaincre ensemble la pandémie ? Pascal Lamy, le président du Forum de Paris, a proposé une nouvelle conception des relations internationales qui me paraît être la seule voie possible de dépassement de la crise de gouvernance actuelle. Il suggère de passer du multilatéralisme qui met les Etats côte à côte, mais sans grande efficacité, au poly-latéralisme.
Ce poly-latéralisme consiste à impliquer non seulement les Etats mais aussi les ONG, les grandes entreprises, les grandes villes et toutes les institutions internationales qui veulent s’impliquer en faveur du bien commun. Cette nouvelle approche est la seule en mesure de dépasser le souverainisme étroit des Etats. Concrètement, cela voudrait dire que les Etats qui font face actuellement à la recrudescence de la pandémie, fassent appel à la solidarité de la communauté internationale. Cela voudrait dire aussi que l’Organisation mondiale de la santé mette en place un pool de partenaires, à commencer par les Etats concernés et par l’Union européenne, mais aussi par les entreprises et les ONG internationales prêtes à soutenir les autorités des pays d’Europe centrale et orientale.
On aurait alors toutes les chances de convaincre les populations concernées de se faire vacciner.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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