Nous sommes en train de passer la barre des huit milliards d’être humains et j’entends régulièrement une petite musique de fond qui me questionne, disant "qu'il ne vaut mieux ne pas faire d’enfants vu le monde qu’on leur laisse". Que ce serait "criminel" car l’être humain serait destructeur par nature.
Je ne peux m’empêcher de penser : ok donc pour survivre, il faudrait tuer des milliards de compatriotes ? Combien ? Qui déciderait ? Et qui survivra ? Les ultra riches et l’armée, on se doute, étant donné les rapports de force politiques, que Bernard Arnaud ou Patrick Pouyanné ont bien plus de chances d’être "du bon côté" que Martine et Bernard le couple de boulanger du quartier. Oui, "se reproduire comme des lapins" serait une option néfaste. Mais refuser à des gens la joie de construire une famille comme ils l’entendent est-il réellement une option écologiste viable qui fasse adhérer au projet écolo ? Alors bien sûr, l’argument mis en avant pour limiter la démographie consiste à dire à juste titre que les ressources planétaires sont limitées et que seul l’humain est responsable de 70% de la mort de la vie sur Terre depuis 40 ans.
Toutefois, plusieurs remarques... La démographie, ce n'est pas une courbe qui monte sans cesse. Il y a un processus de transition démographique à l’œuvre. À savoir que plus un pays répartit également ses richesses, plus les filles vont à l’école et plus le système de retraite est développé, moins sa population fait d'enfants. Même la France qui est le pays au meilleur taux de natalité d’Europe, ne renouvèle plus sa population à 1,9 enfant par femme. En réalité, ce sont surtout l’Afrique et l’Inde dont les populations font beaucoup d’enfants.
Mais quoi, est-ce à nous Occidentaux blancs de dire aux Indiens, Africains et quelques autres de ne plus faire cinq ou six enfants par femme ? De quel droit ? N’est-ce pas du néocolonialisme ? L’ONG écologiste Oxfam notait dans un de ses rapports que la moitié de la pollution mondiale vient des 10 % les plus riches alors que la moitié la plus pauvre de la population n’émet à l’inverse, que 10 % donc… Si on “limitait” on ne sait trop comment, la population à un milliard, le problème resterait le même puisqu’il resterait les ultra riches pollueurs et ce seraient les pauvres qui ne seraient plus là. Chouette résultat.
En réalité, les rapports des différentes institutions de l’ONU montrent que si nous devions dépasser les dix milliards d’habitants dans les années 2060, non seulement une agriculture issue pleinement des paysans et non de l’agrobusiness pourrait nourrir douze milliards d’habitants. Mais en plus, la population va diminuer naturellement pour revenir vers huit-neufs milliards vers 2100, soit notre niveau actuel. C’est à s’y perdre, certains rapports énonçant même le chiffre de quatre milliards.
Le jésuite François Varillon disait qu’il n’y a que deux manières de laisser une trace après sa vie, et que presque tous, nous le souhaitions : soit laisser son nom à travers une réalisation politique ou artistique, soit faire des enfants. Résultat des courses, cette idée de réduction volontaire de la démographie culpabilise les plus pauvres qui souvent veulent laisser une trace par leur progéniture alors que la solution est une fois encore politique et collective. Pire, elle brise l’espérance de beaucoup !
On ne peut mobiliser sur un projet écolo et s’émerveiller devant la vie en voyant d’abord un bébé comme un pollueur plutôt que comme un être digne d’être aimé. Cette idée qui parait logique se trompe d’adversaires et de solutions. Oui, nos jeunes générations vont en voir des vertes et des pas mûres, mais est-ce à dire que la douleur et l’incertitude font qu’une vie ne vaut-elle pas la peine d’être vécue ? Non. Est-ce que la perspective de s’engager collectivement pour pouvoir faire des enfants est leur donner un avenir souhaitable peut être une bonne motivation ? Bien plus.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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