Total n’est qu’un phénomène parmi d’autres, fondamentalement, du capitalisme financier qui fonctionne grâce aux énergies fossiles détruisant ainsi la planète, les espaces naturels, et déplaçant de force des populations entières.
Pour ne donner qu’un exemple, Shell veut forer l’arctique et trouve le réchauffement très rentable. L’affaire BNP lancée par de nombreuses ONG, montre qu’une multinationale seule ne pourrait rien et qu’il y a bien des scandales partout et que derrière les publicités mensongères des grandes banques, le financement des énergies fossiles coule à flots. Tout ça pour dire qu’il ne s’agit pas simplement que de critiquer Total pour les critiquer parce que ce serait dans l’ère du temps après le "Cash Investigation" d’il y a quelques semaines ou le très beau dossier dans le journal La Vie, de cette semaine.
Mais ces luttes écologiques constituent un champ d’engagements qui montre semaine après semaine l’étendu de sa légitimité, et en qui concerne les chrétiens, un espace malheureusement assez vide… Bien sûr, les chrétiens s'engagent sur les questions écologiques, mais nous ne sommes que trop peu. Beaucoup de gens connaissent désormais Église Verte. Et les auditeurs de RCF habitués à l’émission "Je pense donc j’agis" du mardi sont également au fait de nombreux noms de l’écologie chrétienne et de la génération Laudato Si'.
Mais force est de constater que les rangs des assos de désobéissance civile, de manifestations contre les traités de libre échange ou pour la sauvegarde de zones humides riches en biodiversité ne sont pas pleines à ras-bords de chrétiens qui s’engagent au nom de leur foi et de la pensée sociale de l’Église… Pourtant, cela est nécessaire si on veut changer notre engagement d’échelle, ce qui me semble être indispensable.
Par rapport à cela, je souhaite porter un message, qui dirait que tout engagement chrétien est conditionné à la possibilité d’entrer en relation avec autrui, ce que fait par essence un engagement écologique. Je m’explique. Oui, dans ces espaces, s’engager se fait contre des adversaires comme le sont Total et la BNP, malgré des témoignages de foi de telle ou telle personne dans ces structures, elles sont des structures destructrices par essence, tous les rapports scientifiques le disent. Cessons donc de tout spiritualiser !
Un engagement chrétien ne peut être que radical, mais il ne peut couper toute possibilité de relation
avec l’autre
Tout est politique dans notre société et il faut d’abord percevoir cela, sans naïveté, si on veut avancer pour une société plus juste et plus fraternelle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des dialogues et des ponts à construire. Je pense que c’est notamment pour cela que les chrétiens ne s’y engagent que peu depuis leur foi : par incapacité à percevoir les rapports de force politiques d’une part, par manque de connaissances ou même de cohérence, d’autre part.
Et de grâce ! L'engagement chrétien tout au long de l’histoire, de Frédéric Ozanam à Jacques
Maritain, de François d’Assise à Sœur Emmanuelle, c’est d’abord un engagement social, réfléchi, avec
les plus pauvres contre les nantis.
→ PODCAST : Ces chrétiens qui ont changé l'histoire
Un engagement écologique est par essence un engagement aussi social. Cela est bien loin des événements qui drainent souvent les chrétiens, préférant une crispation identitaire sur une histoire nationale fantasmée dans les erreurs historiques du Puy du Fou, agrippés à serrer le cadavre d’une chrétienté tout aussi fantasmée.
Il y a donc un numéro d’équilibriste à tenir : accepter en tant que chrétien que la discussion ne résout pas tout et qu’il y a effectivement des firmes qui sont destructrices par leurs activités, tout en
ne rompant jamais avec les personnes qui elles sont de bonnes volontés, même dans les banques. Un engagement chrétien ne peut être que radical, mais il ne peut couper toute possibilité de relation
avec l’autre. Voilà où se situe ce nouvel engagement chrétien qui émerge, en témoigne la génération
Laudato Si' et cette tribune contre Total d’il y a quelques mois qui a été, je crois, la plus grosse tribune
par de jeunes chrétiens en France : croyez-moi, ce n’est que le frémissement d’un nouveau vent frais
sur l’Église.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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