Quels rapport entre militantisme et repos ? Emmanuel Levinas disait : "Ne pas agir c’est ne pas exister, agir sans s’arrêter c’est oublié de vivre." Nous avons aussi régulièrement comme slogan : "Dépêchons-nous de ralentir !"
En écrivant cette chronique, où je souhaitais d’abord évoquer le G7 de l’environnement qui s’est tenu hier - un peu décevant d’ailleurs sur la réduction des énergies fossiles puisqu’encore une fois, rien de contraignant n’a été décidé - je me posais la question de l’utilité d’une chronique sur le G7. En effet, même en étant bien engagé, je me suis demandé ce que cette information pouvait avoir comme impact pour moi et surtout pour vous qui m’écoutez.
L’échelon mondial est primordial si l’on souhaite agir sur les problèmes écologiques, et en termes de gouvernance mondiale, mais l’immense majorité d’entre nous n’y avons que très peu d’influence. Et donc l’information est noyée dans le flot des milliers qui nous arrivent chaque jour jusqu’à saturer notre cerveau. Dans un précédent rapport d’orientation nationale, le MRJC [Mouvement rural de jeunesse chrétienne] citait cette phrase d’Emmanuel Levinas : "Ne pas agir c’est ne pas exister, agir sans s’arrêter c’est oublié de vivre." Nous avons aussi régulièrement comme slogan : "Dépêchons-nous de ralentir !"
Parfois dans toutes les luttes que nous pouvons vivre, qu’elles soient personnelles, en famille, en collectifs ou politiques, le repos et la fête sont essentiels. Mon médecin m’a dit une fois en provocation, à l’aube d’un burnout et sachant que je suis chrétien : "Dieu s’est reposé le 7e jour, et vous ? Vous vous croyez meilleur que lui ?" Cela m’a profondément marqué : si l’on veut avoir une puissance d’agir, il convient de sortir de notre toute-puissance infantile afin de respecter notre corps, notre esprit, nos limites. Fondamentalement, cette expérience de burnout que tant d’entre nous traversons, a changé beaucoup de choses dans mon rapport à l’engagement.
Il y a un équilibre à trouver entre engagement et repos pour que les deux se nourrissent mutuellement. Je plussoie Levinas. Il m’est difficile d’imaginer une vie non engagée : les rencontres de magnifiques personnes, les avancées intérieures et spirituelles, le sentiment d’exister en se battant pour une cause estimée juste et j’en passe. Il y a une vraie fraternité, une vraie richesse humaine dans l’engagement qui m’est indispensable. Qui m’a relevé du burnout d’ailleurs. Un grand résistant, Maurice Kriegel-Valrimont qui fut engagé toute sa vie, disait que pour rien au monde malgré tant de défaites, il ne regretterait le trésor qu’a constitué sa vie militante. Mais la vie militante inclut aussi des sacrifices : si l’on veut être utile pour les autres, ce sont tant de formations, de réunions, de soirées prises, ou d’acceptations sur les salaires également si vous travaillez dans l’associatif.
Pourtant, il convient de ne pas s’enfermer dans une bulle de gens qui pensent comme soi, qui
pourrait rendre aigri. Mais de rester ouvert à la culture du monde. Fondamentalement, être chrétien c’est avoir les deux pieds hors du monde, tout en les ayant aussi pleinement dans le monde. Si j’étais tout le temps dans le militantisme en ce moment, sans repos donc, compte tenu du nombre de défaites
politiques, il serait compliqué de tenir. Nous avons toujours besoin d’une bière entre amis, d’un
nouvel intérêt culturel, d’un regard de tendresse, d’une nouvelle mélodie, d’humer les senteurs
printanières... Bref : de vivre. Nous sommes trop souvent à l’image de notre société : en burnout et la
réalité va nous claquer à la figure et ça va faire bien mal. Alors : Dépêchons-nous de ralentir !
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