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Édito de Benoist de Sinety - Les migrants fantasmés et les migrants réels

RCF, le 23 décembre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Le point de vue de 7h20Édito de Benoist de Sinety - Les aquariums sphériques interdits en Wallonie

La récente interdiction des aquariums sphériques en Wallonie est une bouffée d’espoir ! Pour les poissons rouges d’abord, qu’on arrêtera de prendre pour des êtres sans mémoire et qu’on considèrera donc comme des sujets de droit ayant la liberté d’aller et de venir sans tourner en rond. Et par extension pour chacun de nous : car si l’on traite avec tant de respect l’une des plus petites des créatures, alors quelle espérance pour les hommes et les femmes de notre temps !

Père Benoist de Sinety, le 29/11/2017 ©Patrick Gaillardin / Hans LucasPère Benoist de Sinety, le 29/11/2017 ©Patrick Gaillardin / Hans Lucas

C’est ce que l’Évangile annonce : "Regardez les oiseaux dans le ciel et les lys des champs… Vous-mêmes ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?" (Mt 6, 25-26). Dimanche dernier, le soir de la finale de cette piteuse Coupe du monde de football (piteuse en regard de tous les renoncements moraux auxquels elle a contraints) pendant que les foules attendaient anxieusement le tir au but final, un événement se déroulait sur nos côtes de mer du Nord. Un événement qui ne fait aucun bruit, tant il ne fallait pas gâcher le plaisir d’un peuple qui donne sans cesse des leçons de morale à la terre entière, mais qui se garde bien de se les appliquer trop scrupuleusement. 

 

Depuis quelques jours les températures étaient passées en dessous de zéro. Enfin, il avait été décidé de mettre à l’abri les personnes migrantes qui n’en avaient pas et qui dormaient jusque-là par-ci, par-là, sous des toiles de tente et dans des cartons. À l’exclusion toutefois des hommes adultes et d’une vingtaine de mineurs isolés. Comme ça... simplement parce que l’on s’est dit qu’il ne fallait quand même pas en faire trop, que ça risquerait de choquer ou juste pour montrer que l’on gardait la main ferme. Ils étaient donc un peu plus d’une cinquantaine à rester dehors, par -1, -2, - 5 degrés.

 

 


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Peut-être même que ceux qui ont pris cette décision, dans des bureaux chauffés et à l’abri de tout besoin matériel, l’ont fait en gardant un œil sur l’écran où était diffusé le fameux match. Parce que, quand même, on ne va pas se priver d’un moment de plaisir !

 

Il y a un moment où il faut pouvoir se dire les choses, sans acrimonie, sans angélisme non plus. Ce qui se passe dans notre pays sur ce point est parfois assez dégueulasse. Pardon d’utiliser ce terme, mais je n’en vois pas d’autre. Il est adapté, car il manifeste à la fois le dégoût et une colère navrée.

 

Dimanche dernier, autour de la table où nous dinions avec quelques paroissiens, les plus désespérés de la défaite de la France étaient quatre jeunes Africains, tous arrivés récemment chez nous et qui, avec un courage et un enthousiasme remarquables, y construisent leurs vies. Ils disaient "on a perdu" avec une tristesse réelle.

 

Il y a les migrants fantasmés par ceux qui les rencontrent via les faits divers et les reportages apocalyptiques. Ils sont fantasmés, car à partir de quelques-uns bien vivants et bien criminels, on étend la suspicion à l’ensemble qui ne volent ni ne pillent. Il y a les migrants réels, ceux qui pleurent la défaite des Bleus et ceux qui sont tout simplement laissés dehors par une nuit glaciale sous couvert de prétextes administratifs qui ne suffiront jamais à justifier l’absence de conscience.

 

 


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On se prend à rêver qu’un jour, en France, les mêmes hauts fonctionnaires aient à surveiller la mise en application de l’interdiction des aquariums sphériques pour les poissons rouges. Alors, trouveront-ils peut-être, devant cet absurde qu’on leur impose, la lumière de reconnaître leur prochain humain comme un semblable à respecter ? 

 

D’ici là, joyeux Noël en contemplant où crèche une famille sans abri qui s’apprête à quitter son pays et devenir ainsi paria aux yeux des puissants et méprisables pour beaucoup d’autres…

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le point de vue de 7h20
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