Ce matin je voulais parler d’un sujet qui met mal à l’aise, qu’il suffit de nommer pour avoir l’impression d’être sali : la pornographie. Bonne nouvelle. Cette semaine, le ministre délégué chargé du Numérique a annoncé mettre en place un système pour bloquer l’accès aux sites porno pour les mineurs. Il n’arriverait qu’en septembre, mais c’est un petit pas.
Et un enjeu de premier plan, car on sait que l’âge moyen de la première consultation de porno est, tenez-vous bien, de 11 ans. Avec ce dispositif, les utilisateurs devront prouver leur majorité par une attestation numérique dont les détails ne sont pas encore connus.
Les dégâts durables que cela cause dans les cerveaux, les cœurs, les âmes, les affects sont monumentaux. Israël Nisand parle d’un "viol psychique" concernant l’exposition des enfants à des images pornos. Bloquer l’accès, c’est déjà vraiment bien. Mais cela ne s’attaque pas encore aux racines du problème. Seulement à une partie de la visibilité de ses mauvais fruits.
Je vous donne juste quelques chiffres. Le porno, c'est un quart de tout le trafic vidéo. Une recherche sur ordinateur sur huit, une sur cinq sur mobile. Le chiffre qui m’a le plus choqué : en dix ans, l’humanité a regardé l’équivalent de 1,2 million d’années de porno… Ce n’est pas qu’une pollution mentale, psychique, affective et culturelle, mais aussi une pollution tout court. En émission de gaz à effet de serre, le porno, c'est autant que ce qui est émis par un pays comme la Suède pendant deux ans.
Récemment quatre sénatrices ont publié "Porno : l’enfer du décor", un rapport dont sincèrement, on ne ressort pas indemne de la lecture. C’est une réalité à regarder en face. C’est une monstrueuse et tentaculaire industrie, dont les colossaux profits n’ont d’égal que les faramineux dégâts qu’elle provoque, aussi bien sur les consommateurs - fréquents, occasionnels, ou accidentels - que sur les personnes exploitées par un système d’une violence et d’une perversité inouïe. Les témoignages de victimes dépassent tout ce qu’on imaginait.
Un autre aspect dont je veux parler, c’est le phénomène d’addiction, qui peut toucher tout le monde, quel que soit le milieu social ou familial, l’âge, le sexe. Un risque d’addiction qu’il serait faux de croire réservé aux pervers, car en réalité, il est lié au fonctionnement normal de notre cerveau. C’est conçu pour rendre accro. D’ailleurs, c'est la drogue par excellence, car elle peut être consommée dans l’anonymat total, en tout lieu, circonstances avec une accessibilité hors normes, de manière totalement gratuite et infinie.
Le porno est une prison, dans laquelle il est possible de ne pas entrer, mais aussi de sortir, de s’en sortir. Prévention et secours existent. Commencer sérieusement à éradiquer ce fléau, voilà ce qui serait un vrai progrès. Il semble que la prise de conscience soit là, c’est déjà ça.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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