À l’occasion de la sortie du nouveau numéro de la revue Sans Transition !, Julien Dezécot, son directeur de la publication, revient sur la démocratie alimentaire. Ou comment remettre de l’égalité dans nos assiettes.
La démocratie alimentaire repose sur un pilier fondamental. La définition d'un système alimentaire, basé non pas sur les produits alimentaires, mais bien sûr un système d'acteurs clés : producteurs, consommateurs, transformateurs et distributeurs. Le système alimentaire est extrêmement dépendant d'un système mondialisé et spécialisé par type de production par pays à l'échelle planétaire.
Le deuxième pilier consiste à rendre effectif le droit à l’alimentation que nous qualifions de durable, car il est l’expression d’une tension, entre l’alimentation comme marchandise et les droits humains soumis à la volonté des états quant à leur effectivité. En outre, dans un pays comme la France, pour que l’accès à l’alimentation soit garanti de façon égalitaire, il est nécessaire de passer par la loi. D’où l’idée, portée par plusieurs collectifs citoyens, que ce droit alimentaire soit inscrit dans la constitution.
Le troisième pilier s’appuie sur la justice sociale, tissant des liens entre une justice redistributive et une justice capable de prendre en compte les besoins différenciés des populations.
Démocratiser passe en effet par des initiatives de justice alimentaire. C'est la revendication des citoyens à reprendre le pouvoir sur la manière d’accéder à l’alimentation. Pour cela, le droit à l'alimentation doit être effectif. La démocratie alimentaire émerge comme un terreau particulièrement propice à la construction d’une nouvelle citoyenneté, dans laquelle les citoyens retrouvent les moyens d’orienter l’évolution de leur système alimentaire, à travers leurs décisions et non uniquement par leurs actes d’achat.
Et même au sein de l’aide alimentaire où les destinataires restent le plus souvent captifs de ces distributions pour une partie de leur alimentation. Illustration avec le réseau Vrac, présent dans une dizaine de métropoles. L'idée de ce réseau consiste à acheter en gros et en vrac des produits de base qui sont ensuite revendus à prix coûtant aux habitants des quartiers prioritaires.
En période de guerre, l’État garantit l'alimentation. Au même titre que la défense, il s'agit d'une mission régalienne. Comme le souligne Dominique Paturel dans nos colonnes, on ne peut toutefois y répondre de manière uniquement centralisée. D'où l'idée d'une sécurité sociale de l'alimentation, possiblement à l'échelle de bassins de vie, des territoires. Avec une logique d'économie circulaire, celle-ci serait financée par une cotisation sociale de l’ensemble des acteurs du système alimentaire. Ces différents acteurs travailleraient dans le cadre d’un conventionnement avec les caisses de sécurité sociale de l’alimentation, comme pour la santé.
Imaginons une monnaie locale de l'alimentation : une sorte de carte vitale. Celle-ci ouvrirait un droit à se fournir en aliments de qualité, issu de productions et de transformations locales, mais pas seulement. Tout cela ne serait possible que si l'on pense "transition", avec l'octroi d'une allocation mensuelle pour l’ensemble des habitants sur le modèle des allocations familiales.
Dans un premier temps, il s’agirait d’orienter un tiers de l’allocation vers des produits alimentaires moins transformés. Puis deux ans plus tard, deux tiers de l’allocation vers les fruits et légumes. Cela permettrait de faire bouger considérablement l'offre alimentaire et de soutenir la production locale par ces mécanismes de redistributions, en incitant certains systèmes alimentaires plutôt que d'autres. Tous n'ont pas assez de fruits et légumes, céréales, etc. Et il faudra bien partager la ressource de manière égalitaire entre les territoires.
Plus d'infos
Retrouvez les conférences avec Perrine Hervé-Gruyer de la ferme du Bec-Hellouin dès ce mercredi 1er février 18h30 à Lyon, jeudi à Carpentras-Mazan dans le Vaucluse et vendredi à Marseille sur le site du magazine Sans Transition !
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