Ce matin, je voulais parler de Charles Péguy. Je sais, ce n’est pas très original cette semaine… étant donné que nous fêtons les 150 ans de sa naissance ! Même notre président Macron s’est fendu d’un tweet et je le cite : "Charles Péguy nous invite toujours à retrouver la mystique française qui nous unit."
J’ai passé un morceau de mon dimanche avec lui (avec Péguy, pas Macron), la semaine dernière, pour écrire une tribune. Ça m’a fait un bien fou de me replonger dans ses poésies, ses pensées, avec un thé et un bout de galette. Je n’ai pas eu la fève, mais j’ai croisé un roi et un prophète. L’actualité de sa pensée nous dérouterait si nous n’avions pas conscience de la capacité de prophétie accordée divinement à ceux qui vivent dans l’Esprit.
De la modernité, Péguy dénonçait vigoureusement certaines inepties, qui n’en étaient pourtant qu’à leurs balbutiements : l’illusion dans un progrès tout-puissant, le règne de l’argent, l’idolâtrie de la science et de la technique conduisant à un homme se croyant tout-puissant… Il parle de l’avènement d’un "monde qui fait le malin... Un monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre... de ceux qui ne croient à rien, pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien... de ceux qui n’ont pas de mystique. Et qui s’en vantent."
Péguy avait les yeux grands ouverts sur le visible et l’invisible et cherchait les mots pour dire l’indicible. Dans le cœur de cet amoureux de Jeanne d’Arc, quelque chose semble invincible. Je crois qu’il avait un sens de l’honneur hors du commun, ou du moins, qui n’est plus légion aujourd’hui. Mais un sens de l’honneur profondément chrétien. Il était un résistant, au sens noble, car il savait qu’il y a plusieurs sortes de guerre, et que l’adversaire de la guerre chrétienne est le mal et tout esprit de complicité qui s’y soumet.
Le lieutenant Péguy est mort au champ d’honneur en 1914 dans une bouleversante offrande de lui-même. Par ses écrits, on comprend qu’on peut être vaincu, mais pas battu. Car si le vainqueur, pour l’être, s’est compromis, alors il a perdu, car il s’est perdu. Avec lui, on comprend qu’être vaincu ne condamne ni à la soumission, ni à la faiblesse, encore moins à la résignation.
Il a écrit aussi un passage bouleversant sur la conscience que notre misère peut être une ouverture à la Grâce. Il se moque de ceux qui ont une cuirasse de morale parce "qu’ils ne mouillent pas à la grâce". "Parce qu'ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables." Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout. La charité même de Dieu ne panse point celui qui n'a pas de plaies. C'est parce qu'un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C'est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l'essuya d'un mouchoir. "Or celui qui n'est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n'est pas sale ne sera pas essuyé."
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