La semaine dernière, le maire de La Clusaz a annoncé un « moratoire » sur la construction controversée d’une retenue d’eau à 1.500 m d’altitude… Un projet controversé, qui repose la question de l'accès et de l'utilisation de l'eau, bien commun.
Ce projet est au cœur d’une véritable lutte juridique. Si un tiers de l’eau captée servirait à alimenter le réseau d’eau potable du village, les deux tiers restants serviraient à fabriquer de la neige artificielle pour les pistes de ski.
Pour les opposants, il est absurde d’utiliser des centaines de mètres cubes d’eau pour fabriquer de la neige alors que le département est régulièrement en situation de sécheresse et de restrictions. Le maire de La Clusaz défend au contraire une infrastructure essentielle. Elle doit permettre de sécuriser l’approvisionnement de sa commune, et de protéger son activité hivernale touristique.
La même semaine, le procès de plusieurs participants aux manifestations contre la méga bassine de Sainte-Soline s’est ouvert à Niort. Ces bassines ressemblent à d’immenses piscines hors sol entourées de digues et recouvertes de bâches. On les remplit en hiver en pompant l’or bleu dans les nappes phréatiques pour pouvoir irriguer les champs l’été. Selon les agriculteurs qui investissent dans leur construction, c’est un dispositif indispensable pour assurer leur survie.
Les opposants rappellent que ces réserves ne profitent qu’à une poignée de gros producteurs, pour irriguer principalement du maïs destiné à l’alimentation du bétail et à l’exportation. Les militants écologistes mais aussi de petits paysans comme ceux de la Confédération paysanne dénoncent un accaparement injuste de l’eau par l’agro-industrie. L’eau pompée sera d’une immense utilité pour ces agriculteurs quand la sécheresse sera venue, mais dans le même temps le reste du territoire risque de subir de fortes restrictions.
L'eau, bien commun, est accaparée par une minorité
C’est ce qu’on appelle un conflit d’usage : l’eau, bien commun, est accaparée partiellement par une minorité. Tant qu’il y en a foison, ça n’embête pas grand monde. Mais désormais, l’eau douce de bonne qualité se fait rare. Alors des stations de ski de la Haute Savoie aux champs des Deux-Sèvres, des conflits très durs surgissent.
On a vite fait de stigmatiser tel élu local qui se bat pour conserver une activité touristique dans sa station de ski, tel agriculteur, tel petit chef d’entreprise qui veut protéger sa production. Et les mots contre les militants écologistes sont souvent très durs, jusqu’à des comparaisons assez odieuses avec les pires criminels. Mais il y a un acteur que l’on évacue trop souvent de ces débats, c’est l’Etat.
C’est lui, à travers son préfet qui autorise tel chantier de retenue d’eau, ou qui finance 70% de ces fameuses bassines. C’est aussi lui, qui arbitre ces conflits locaux en prenant bien soin de ne pas trop se prononcer.
Personne ne demande à l’Etat de les trouver tout seul. Mais il a à sa disposition la littérature du Giec, qui rappelle que prélever de l’eau n’est jamais neutre, car son cycle et les écosystèmes qui profitent de son passage en sont perturbés. Les solutions imaginées doivent donc respecter ces équilibres naturels vitaux, tout en fournissant des réponses convaincantes aux acteurs de terrain.
Aux agriculteurs, on ne peut plus faire croire qu’un chèque ou qu’une infrastructure miracle peut tout résoudre. Des pistes seraient de réorienter les plantations vers des cultures moins gourmandes en eau, et d’enrichir les sols pour qu’ils retiennent mieux la pluie.
Quant aux élus de montagne, il faut les accompagner pour imaginer d’autres perspectives que le « tout sport d’hiver », condamné à moyen terme. C’est un chemin long, fastidieux, mais qui seul répondra aux exigences des humains et de leur environnement.
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