Fatiguée, atterrée, consternée, accablée, indignée. Je ne sais plus où trouver les mots justes pour dire le haut-le-cœur, la douleur de l’âme. Je m’étais pourtant promis que cet édito ne porterait pas sur l’Église et ses turpitudes. Mais voilà que je suis à nouveau rattrapée.
Comme une torture infligée où chaque fois que l’on croit avoir fait un pas en faveur des vies explosées par les mensonges et les violences subies dans l’Église, du pire revient sur le devant de scène, paraissant balayer l’engagement corps et âme de nombre d'entre nous - y compris des évêques - pour s’arracher enfin des rives de la mort infligée. Et pour rendre un peu confiance.
Devant ce que l’on nomme désormais de façon trop insignifiante "l’affaire Santier", que nous faut-il ? Que faut-il à l’Église pour admettre cette folle - mais que trop réelle - antinomie que parmi ceux qui sont là pour consoler au nom de l’Évangile, pour relever au nom du Dieu mort en croix pour tous, il y a des criminels et des blasphémateurs. Que faut-il ? Je ne sais.
Sans doute une transformation non seulement de l’Église, mais de l’intime de chacun de nous, croyants, à commencer par celles et ceux qui exercent des responsabilités. De toute façon de nous tous. Où en trouver la force ? Peut-être en se souvenant de la colère de Moïse contre ce peuple - élu pourtant - à la nuque raide qui danse avec un veau d’or (Ex 32). Ou, pire que la colère, l’affliction du cœur de Dieu. Comme en la veille du Déluge (Gn 6, 6) quand, face au mal commis par les hommes, Dieu "se repent d’avoir fait l’homme et il s’afflige dans son cœur".
Faut-il que notre Dieu s’afflige de nous encore longtemps ? De notre Église et de ses mœurs, de son opacité ? De ses mensonges par action ou par omission ? Et pendant que nous y sommes, faire entrer en notre chair cet ordre de Dieu en Ex 19, 24 : "Que les prêtres et le peuple ne franchissent pas les limites pour monter vers le Seigneur, de peur qu’il ne se déchaîne contre eux." Ne pas franchir les limites pour monter vers Dieu : interdit de mettre la main sur l’autre au nom de Dieu, d’user et abuser de son pouvoir en son nom, de l’instrumentaliser. Le faire est un sacrilège, un blasphème.
"Il faut appeler un chat un chat", rappelle Marie Balmary dans une tribune essentielle du journal La Croix. Elle ajoute : "L’agresseur a fait quelque chose qui le sort de sa place, il n’est plus un homme en face d’un autre humain, il est… – elle ne sait pas ce qu’il est mais elle, elle n’est plus rien, elle est une chose. La victime... est frappée d’un anéantissement subit des forces vitales... Prendre soin des personnes victimes... c’est... adapter son écoute à ce que les abus spirituels qui sont à l’origine de ces crimes ont de particulièrement affreux. Il ne s’agit pas d’un abus de force physique, ni même seulement d’un abus de position dominante, mais de se servir de la confiance en Dieu de la victime pour l’asservir à soi."
Chers amis, en ces heures faites de boue et de douleur, tenons avec courage. Il en va de la vie contre la mort.
Véronique Margron, op
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