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Édito d'Aymeric Christensen - L’affaire Santier, un scandale et des questions

RCF, le 20 octobre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Le point de vue de 7h20Édito d'Aymeric Christensen - L’affaire Santier, un scandale et des questions

Les révélations d’abus spirituels à des fins sexuelles commis par l’ancien évêque de Créteil ont créé un vrai malaise dans l'Église de France. Comment l’institution catholique peut-elle surmonter ce nouveau scandale ?

©Profil Facebook d'Aymeric Christensen©Profil Facebook d'Aymeric Christensen

Encore une affaire, encore un scandale ! Alors, on cherche à mettre des mots sur les sentiments qui dominent. Le dégoût. La honte. La colère… ou plutôt, au-delà même de la colère : un terrifiant épuisement. Car, si les victimes ont été entendues, et si une sanction a bien été prononcée – Michel Santier est assigné à une "vie de prière et de pénitence" – la vérité sur la démission de l’évêque a dans le même temps été dissimulée par l’institution catholique : à son départ, il évoquait en effet des “raisons de santé” et “d’autres difficultés”…

 

Ne pas rendre publiques les condamnations, un classique dans les procès canoniques ?

 

C’est l’un des arguments avancés pour expliquer ce silence, tout comme certains peuvent évoquer que les faits remontent à 30 ans et seraient, peut-être, moins graves que dans certaines autres affaires d’agressions sexuelles ou de viols. Mais, pardon, aucune de ces objections n’est recevable. D’abord, parce qu’il y a profanation d’un sacrement : c’est durant des confessions que deux jeunes ont été poussés à se déshabiller devant le prêtre. Il a donc sciemment profité de sa position et de ce cadre pour abuser d’eux ; puis les a laissés vivre avec la blessure de cette emprise. Ensuite, le secret autour de la condamnation a rendu impossible tout appel à témoignages : qui nous dit que d’autres personnes n’ont pas été abusées ? En fait, au-delà du cas Santier, il y a ici abus, au sens strict, de la part de l’Église catholique : abus de confiance.

 

Un an tout juste après le rapport de la Ciase, beaucoup de questions émergent

 

Beaucoup trop de questions. Pourquoi ne pas avoir publié la condamnation ? Pourquoi avoir laissé l’évêque mentir sur les raisons de son départ ? Et même : comment avait-il pu accepter une telle charge en connaissant ses antécédents ? N’est-il pas urgent d’améliorer les enquêtes lors des processus de nominations ? Surtout, surtout : y a-t-il actuellement d’autres clercs dont la retraite dissimule en réalité des sanctions de ce type ?

 

Du flou ne peut que naître le soupçon. Et un message désastreux : celui que l’institution n’a rien appris, rien compris, rien changé de ses modes de fonctionnement. Toutes les personnalités traînant des affaires doivent être, de toute urgence, écartées de leurs responsabilités. Ou, mieux encore : démissionner. C’est une question – même un principe – de crédibilité.

 

Car les fidèles eux-mêmes meurent à petit feu de ces révélations régulières. C’est comme un poison qui, goutte-à-goutte, mine leur espérance, et ce qui leur reste, parfois héroïquement, de confiance dans le fait que Dieu est bon, que l’Évangile est libérateur, que l’Église est en ce monde pour y faire entendre une parole de vie…

 

Dimanche dernier, nous entendions à la messe la parabole du juge inique et de la veuve importune. Comme dans ce texte, la colère des victimes et l’exigence des croyants sur ces questions sont sans doute agaçantes. Mais peut-être, un jour, par usure, les scandales ne susciteront-ils plus qu’un haussement d’épaules lointain, parce que les fidèles se seront détournés. C’est la question que nous pose l’Évangile : “Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?”

 

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