Il faut à priori se réjouir d’un accord entre des belligérants même quand il porte le nom prudent et un peu alambiqué de "Accord pour une paix durable via une cessation permanente des hostilités". Le texte signé à Pretoria, sous l’égide de l’Union africaine, le 2 novembre dernier entre le gouvernement éthiopien d’une part et les rebelles du Front de libération du peuple tigréen d’autre part, est censé mettre fin à terme à un conflit extrêmement violent qui a commencé il y a juste deux ans et fait des dizaines de milliers de morts.
Dans l’immédiat surtout, ce texte est supposé aboutir à la reprise de la distribution de l’aide humanitaire dans le nord du pays, aide interrompue depuis de longs mois par un blocus imposé à la région par les autorités d’Addis-Abeba. Dès vendredi dernier, celles-ci ont d’ailleurs annoncé que désormais cette aide "afflue comme jamais" dans les zones du Tigré qu’elles contrôlent. Ce que les rebelles tigréens ont nié.
Impossible pour l’instant d’en savoir beaucoup plus, car les journalistes ne sont pas autorisés à accéder aux régions concernées et les communications avec le nord sont plus qu’aléatoires. Début octobre, cependant, un médecin basé à Mekele, la capitale du Tigré, avait réussi à témoigner, via la radio britannique BBC, du quotidien de son hôpital. Et avait raconté comment il voyait régulièrement mourir certains de ses malades sans pouvoir rien faire pour eux, faute de disposer des médicaments les plus élémentaires pour les soigner.
Si l’on doit espérer que l’aide parvienne enfin à Mekele et dans le reste de la région, il faut rester prudent quant à l’application de l’accord du 2 novembre. D’abord, parce que derrière le mot d'accord, c’est plutôt d’une reddition des rebelles tigréens qu’il s’agit, après qu’ils ont subi plusieurs défaites sévères au cours des semaines passées. Dans ces conditions, on peut se demander quelle sera leur capacité à faire respecter les termes du texte signé avec le gouvernement éthiopien et notamment à obtenir que la composition de l’administration régionale transitoire qui doit s’installer à Mekele - en attendant d’hypothétiques élections - soit représentative des populations de la région.
Ensuite, parce que le délai prévu pour le désarmement des rebelles tigréens (30 jours) est très court, sinon tout à fait irréaliste et qu’il n'est pas certain que tous les combattants du Nord soient disposés à passer sous les fourches caudines de leurs adversaires. Plus encore, si les forces fédérales profitent de leur reprise du contrôle de la région pour se livrer à des vengeances contre la population. Enfin, et surtout, parce que l’accord du 2 novembre n’associe pas explicitement l’un des principaux belligérants de ce conflit, l’Érythrée voisine, dont les troupes ont largement contribué aux défaites des rebelles tigréens et dont le gouvernement entend depuis longtemps obtenir un droit de regard, sinon un contrôle direct, sur le nord de l’Éthiopie. Une faille de taille dans un accord censé aboutir à une paix durable.
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