En ce mois de janvier où l'on s'échange des vœux, Sr. Véronique Margron nous propose une méditation sur le bonheur.
Chers amis,
La semaine dernière, je nous souhaitais une bonne santé, celle qui consiste à pouvoir adopter l’allure de son âge, de sa fragilité, de ses limites. Une bonne santé qui cherche à ne pas opposer la santé et la maladie. Aujourd’hui je voudrais vous souhaiter une belle année. Quand on dit "mes vœux de bonheur pour cet an neuf", là aussi ne pas opposer le bonheur et le malheur, car le bonheur, pas plus que la santé, ne saurait désigner un état. Mais une profondeur.
Je repense à cette parole du psaume 4 : "Beaucoup demandent : « Qui nous fera voir le bonheur ? » Sur nous, Seigneur, que s'illumine ton visage !" (Ps 4, 7).
Nous savons chacun ce qu’il en est du poids des douleurs, des chagrins, des échecs de nos vies. Alors, peut-on sauver le bonheur ? Oui je le crois. Le bonheur se reçoit plus qu’il ne se conquiert, moins encore ne s’achète, du sein de la vie où il a fallu affronter le danger, la mort, le malheur. Il est fugitif et en même temps, il est tel un socle, une fondation : notre passion d’aimer, notre soin pour l’autre, la sûreté qu’un Autre se tient à nos côtés, le renouvellement de notre regard sur les plaisirs et les joies simples qu’offre la vie, sans arrière-pensée, sans chercher même à les retenir.
Heureux, surtout, celle et celui qui demeure en son existence comme n’y étant pas seul. Consentir au bonheur du seuil, et le protéger, non comme une forteresse, mais par le cœur en éveil. Alors oui, qui nous fera voir le bonheur ? Qui nous donnera les yeux du dedans pour le reconnaître, y consentir, le laisser s’approcher sans lui faire peur ? Parcours menacé que celle de la décision pour l’existence, frémissante. Sentir la vie, au risque d’en souffrir.
Dans la Bible, être heureux implique ne pas suivre un chemin tout tracé, par convenance ou paresse. Mais se risquer, soi-même. Résister aux rêves illusoires, ne pas se laisser prendre par une pensée préfabriquée. Le chemin de la vie heureuse, modeste et opiniâtre, demande que l’on prenne le réel tel qu’il se donne. Chercher à vivre avec tout soi-même, dans la patience qu’il est possible et heureux d’ouvrir davantage son existence. Le bonheur serait de croire, d’espérer avec ce qu’il y a de plus griffé en nos âmes. À la condition, fondamentale de ne pas tout garder pour soi, ni la douleur, ni la peine, ni la joie, ni l’espérance.
Peut-être que du courage est nécessaire pour goûter le bonheur qui s’offre. Pour ne pas le laisser passer son chemin. Un mouvement de l’âme qui permet de résister à l’usure du temps et aux espoirs déçus. Le bonheur, ou se concentrer sur ce qui vient, simplement demain et affirmer que la bienveillance, la solidarité valent mieux que le soupçon ou l’indifférence. Et croire que nous pouvons écrire notre vie, garder le stylo en main. Alors vraiment oui que cette année vous soit, à chacune et chacun, heureuse.
Sr Véronique Margron est religieuse dominicaine, présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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