"Les béatitudes sont comme la carte d’identité du chrétien." C'est le pape François qui le dit dans sa récente exhoration apostolique, "Gaudete et exsultate", où il consacre un long passage au tout premier discours du Christ. Avec les béatitudes, que l'on trouve dans l'Évangile de Matthieu (chapitre 5) et de Luc (chapitre 6), on est en effet au tout début de la vie publique de Jésus, après son baptême dans le Jourdain et les quelques jours passés au désert. Perle des Évangiles, charte du bonheur... ce qui est aussi appelé "sermon sur la montagne" multiplie les paradoxes. Le pape nous prévient : "Écoutons encore Jésus, avec tout l’amour et le respect que mérite le Maître. Permettons-lui de nous choquer par ses paroles, de nous provoquer, de nous interpeller en vue d’un changement réel de vie." (par. 66)
On le nomme aussi "sermon sur la montagne" : en fait de montagne, c'est d'une petite colline que le Christ a prononcé les béatitudes. Mais les données topographiques une puissance symbolique forte. Dans la Bible, la montage, c'est un lieu de rencontre avec Dieu. C'est là où Moïse a reçu les Tables de la loi et où Elie a rencontré Dieu. "La montagne, dit Nicole Fabre, est souvent le lieu de l'alliance, de l'intimité avec Dieu, et du temps où on recueille la présence et les paroles de Dieu."
Les béatitudes, certains théologiens y voient un "renouvellement de la loi". Mais là où Moïse était seul sur le mont Sinaï pour recevoir les Dix commandements, ici Jésus est entouré d'une foule. Les béatitudes s'adressent à tous. Et quant au discours du Christ, on peut y voir des paroles "décalées voire surprenantes" comparées au Décalogue.
D'un côté la répétition du mot "heureux", suivi de termes à connotation négative : "ceux qui pleurent, les pauvres, ceux qui ont faim"... À chaque verset le paradoxe revient. Il dit l'écartellement de chaque homme, pris entre son aspiration au bonheur et sa souffrance, sa soif de justice qui n'est jamais comblée.
C'est que ici, être heureux doit se comprendre comme "une dynamique", explique la pasteur. Souvent on dit qu'on est heureux quand tout va bien, quand il ne se passe rien, en tout cas rien de fâcheux. "Ici ce n'est pas du tout le cas", explique Nicole Fabre. "Heureux", c'est "ce qui met en mouvement", c'est "un chemin qui s'ouvre et qui a de l'avenir". Le christ invite à entrer dans cette dynamique du bonheur.
"Bien que les paroles de Jésus puissent nous sembler poétiques, elles vont toutefois vraiment à contre-courant de ce qui est habituel, de ce qui se fait dans la société", dit le pape dans son exhortation apostolique (par. 65). Chez Luc c'est encore plus clair, on lit "Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim !" (Lc 6, 25) : les malheureux sont ceux qui sont repus, qui n'ont pas faim, qui n'ont pas soif, c'est-à-dire ceux qui n'ont besoin de personne. Ainsi, avec le Christ et de manière "complètement révolutionnaire", on peut dire que le malheur c'est l'autosuffisance.
"On est au coeur même de l'Évangile, pour Nicole Fabre, c'est-à-dire que la souffrance peut nous ouvrir au fait que j'ai besoin de l'autre et en particulier de cette présence de Dieu." Il y a là un accueil profond de la vulnérabilité. "Un encouragement à ne pas avoir peur de ses limites et de ses manques parce qu'ils nous ouvrent à la relation à l'autre et à Dieu." Nicole Fabre va même encore plus loin : "Heureusement que nous avons tous ces gens dont les vies sont en déséquilibre : c'est eux qui vont nous révéler qui est Jésus vraiment ! Heureusement qu'on a en nous tous ces lieux en nous mal ficelés, où on sait sait qu'on a besoin d'aide, de la part des autres et de Dieu."
LES BÉATITUDES OU LE SERMON SUR LA MONTAGNE (MT 5, 1-12)
Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
«Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.»
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