Féris Barkat livre son regard aiguisé de jeune vulgarisateur des enjeux climatiques sur la COP27. Il réagit à la présence à Charm el-Cheikh de nombreux lobbyistes du secteur des énergies fossiles et se désole : "Je ne sais pas si on réalise qu’on n'ose même pas nommer la cause du réchauffement climatique à un sommet sur le climat."
Est-ce que la COP est un rassemblement de chefs d’États, pour négocier les efforts à faire face au réchauffement climatique ? (Option A) Ou un rassemblement de lobbyistes du pétrole et du gaz ? (Option B) C’était en effet un piège car c’est les deux, et si j’évoque les lobbyistes des énergies fossiles c'est pour rappeler une analyse de Global Witness, qui n’est pas parfaite mais qui en dénombre 636 à la COP27. De mieux en mieux ! 636 lobbyistes, c’est 25% de plus que l’année dernière. 636 c’est plus n'importe quelle délégation nationale, à l'exception de celle des Émirats arabes unis.
À noter que depuis des années les experts recommandent d’arrêter tout nouveau projet d’exploitation des énergies fossiles, pour qu’on respecte nos engagements climatique. On le sait tous. Pourtant, comme l’indique Georges Monbiot pour le Guardian, ça fait 26 COP que dans les déclarations on n’a jamais lu une seule fois une mention qui indiquerait la fin des exploitations fossiles. Le secteur lui-même des combustibles fossiles dans les accords finaux est rarement mentionné, 6 fois seulement. Je ne sais pas si on réalise qu’on ose même pas nommer la cause du réchauffement climatique à un sommet sur le climat. Donc si vous voulez voir un lien avec les lobbys ce serait compréhensible, car pour éviter la malaria, inviter autant de moustiques c’est pas la meilleure chose à faire.
On entend souvent dire que ce n’est pas à la France de faire de efforts parce qu’elle représente moins d’1% des émissions. Quel argument fascinant ! On parle souvent du manque d’action climatique, mais on ne parle pas assez de l’inaction intellectuelle. La France moins de 1% des émissions ? Alors oui, comme la plupart des pays dans le monde. Et en fait non : pas 1% si on comptabilise les émissions importées, donc ce qui est produit à l’étranger pour nous, on est à 1,17%, sans compter les émissions historiques. Les émissions de gaz à effet de serre c’est cumulatif, ça ne part pas en vacances à la fin de l’année donc on arrive à 2,3% d’après Carbon Brief. Et surtout, c’est quoi cette histoire de comparer des pays avec des démographies différentes ? Il faut ramener les émissions à la population, par personne. Un Français en moyenne c’est environ 10 tonnes de CO2 par an, en moyenne un Européen c’est 6,3 tonnes, un Chinois 4,5 tonnes, un Indien 1,3 tonnes, un Africain 0,6 tonnes. Donc ceux qui agitent cet argument sur tous les plateaux, on se concentre s’il vous plaît. Surtout que cet argument dans le contexte d’une COP c’est vraiment ne rien comprendre au fonctionnement. À la COP, les pays votent à l’unanimité et doivent donc se mettre d’accord sur des ambitions communes, cet alignement fait qu’on a tout intérêt à être ambitieux, si on veut que les autres pays le soient aussi.
Et par la même occasion ce serait bien de comprendre que réduire nos émissions, donc réduire la part d’énergie fossiles, ça évite d’être trop dépendant à des énergies de plus en plus compliquées à chercher (je vous renvoie au dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie) et qui mettent donc en péril la souveraineté de la France. On part d’un monde avec 80% d’énergies fossiles dans le mix énergétique mondial : l’adaptation à un monde avec moins de fossiles ça s’anticipe ou ça se subit. Alors anticipons tant qu’on a encore le luxe de le faire !
Et pour finir, avec tout ça j'ai du mal à comprendre. Certains qui visiblement ne connaissent pas la honte arrivent à s'offusquer que des activistes pour le climat soient révoltés. Toujours la même histoire : déplorer les conséquences en chérissant les causes. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude.
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