LE POINT DE VUE DE PIERRE DURIEUX - Pierre Durieux, Secrétaire général de l'association Lazare rend hommage au père Pierre Gery, parti sans faire de bruit, il y a 2 mois, tout juste. Gery, c’est un nom qui ne vous dira peut-être rien, et qui pourtant a changé le destin de plusieurs centaines de personnes !
Pierre était prêtre de la Mission de France, et curé du diocèse de Paris. Il s’était consacré « aux marginaux : migrants, malades du sida, travailleurs précaires, sans-abris... » et c’est lui qui a ouvert les portes de son presbytère à Martin et à Etienne venus lui demander en 2006 un appartement pour faire une première coloc solidaire entre des personnes de la rue et des jeunes professionnels.
De ce premier appartement, qu’il met à leur disposition sur la paroisse de Notre Dame des Blancs Manteaux, est née l’association pour l’amitié (APA), puis… Lazare, qui à Paris comme en régions, et désormais à l’étranger, a répandu ces habitats partagés entre des personnes ayant besoin d’un abri et des personnes à l’abri du besoin.
L’abbé Gery s’est éteint à l’âge de 87 ans chez les Petites Sœurs des Pauvres de Notre-Dame-des-Champs à Paris. A sa retraite, Pierre Gery avait même rejoint l’APA, rue de Vaugirard, où il a vécu quelques années en compagnie des colocs dont il partageait la vie. Ses obsèques ont été célébrées à Givors dans le Rhône, où il était né, en présence de 3 des 6 premiers colocs de l’histoire.
Chacun des quelques 500 colocs de l’APA et de Lazare, peut en vérité, lui rendre hommage, car sans ce premier geste de confiance de Pierre Gery, peut-être que ces associations ne se seraient jamais lancées…
C’est un signe de voir que ce type d’habitat s’est développé, souvent avec l’aide de l’Eglise, certes, mais sous l’impulsion de laïcs, célibataires ou mariés, parents ou non, mais toujours des laïcs, qui s’engagent à vivre dans la durée, non pas pour les plus pauvres, mais avec eux.
Bien sûr, il n’y a pas que Lazare et l’APA : aujourd’hui Marthe et Marie continue cette même aventure pour les femmes enceintes en difficulté, et puis Fratrie pour des jeunes adultes touchés par le handicap mental, et puis Simon de Cyrène pour des personnes touchées par le handicap physique… et tant d’autres associations qui proposent un compagnonnage discret, durable, un enrichissement mutuel de ces différents publics qui probablement ne se seraient jamais rencontrés, sans ces maisons !
Le collège des Bernardins a organisé une journée qui, à ma connaissance, est une première : pour réunir ces différentes initiatives de l’habitat partagé et les aider à partager des mots sur ce qu’elles vivent ! C’est une chance que de pouvoir réécouter les interventions de ce « colloque sur la coloc » ! Non pas un énième discours sur le vivre ensemble, mais le récit de ceux qui, simplement, vivent ensemble !
Au fond, on pourrait découper l’histoire de l’humanité en trois grands temps :
Il fut un temps où les riches et les pauvres ne se rencontraient pas : c’était le temps du mépris et de l’humiliation. C’est au fond ce que décrit la parabole de Lazare. Et puis Jésus est venu pour nous appeler à nous aimer les uns les autres : quelle révolution !
Il eut un temps où, grâce à la vie religieuse et monastique, des hommes ont choisi de se faire pauvres au service des plus pauvres, c’était le temps des Franciscains, des Dominicains, des ordres mendiants, qui, par amour du Christ, donnaient leur vie pour les plus pauvres.
Et puis, est venu le temps d’un habitat partagé, où riches et pauvres, vivent ensemble. Un proverbe dit que « quand la vie va bien, on n’a pas besoin de faire des murs plus hauts, mais de faire des tables plus longues ».
Ce temps a commencé, d’une certaine façon, un jour de 2006, du côté de ND des Blancs Manteaux, avec un « autre abbé Pierre »… L’abbé Pierre Gery !
Nous ne l’oublierons pas !
Sur l’image de son ordination, il avait choisi cette phrase :
« Va, annonce hardiment l’Evangile
et garde toujours en ton cœur cette parole de Jésus :
Père, que pas un de ces petits ne se perde. »
Mission accomplie, Monsieur l’abbé !
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