"Percevoir la reconstruction écologique comme une rentrée des classes excitante, essayer de trouver cette excitation du renouveau plutôt que de rester dans le deuil de l’ancien modèle." C’est ce à quoi invite Féris Barkat, 20 ans, nouveau chroniqueur RCF. Il propose de "percevoir les changements qui arrivent comme le début de quelque chose qui ne peut être que mieux et plus durable."
La rentrée, souvenez-vous c’était excitant, quelque chose de nouveau commençait. Pour ma part, cette excitation était due au sentiment que tout était possible. Je faisais table rase du passé, des mauvaises remarques et d’un enfant turbulent j’avais la conviction que j’allais être parfait, et rendre fiers mes parents. Malgré mes échecs consécutifs, ce sentiment à chaque rentrée restait intact, comme si, à l’évocation du mot rentrée, le champ des possibles s’ouvrait à nouveau.
C’est à mon sens exactement comme ça qu’on devrait aborder la crise structurelle et les remises en question qu’imposent les bouleversements écologiques. Percevoir la reconstruction écologique comme une rentrée des classes excitante, essayer de trouver cette excitation du renouveau plutôt que de rester dans le deuil de l’ancien modèle. C’est comme si on arrivait à la fin d’un cycle : c’est triste, on perd nos repères, tous nos points d’ancrage se retrouvent chamboulés. Mais si on ne se renouvelle pas, ça veut dire quoi concrètement ?
On entre dans un monde où l’abondance est révolue, on entre dans l’ère des conséquences du réchauffement, un monde avec moins de terres rares pour fabriquer nos gadgets, un monde avec moins d’énergie et dans ce monde si on reste avec le logiciel du passé, on va être franchement triste, frustré et incapable de s’adapter.
Alors bien sûr, loin de moi l’idée de nier la difficulté qui arrive : plus d’eau au robinet chaque été, ce n’est pas drôle, mais ce que je veux dire, c’est que, sans oublier les erreurs du passé, c’est, je pense, indispensable de s’extraire des référentiels du passé. OK on a été habitué à l’abondance, mais on doit désapprendre tout ça. Pour percevoir les changements qui arrivent comme étant le début de quelque chose qui ne peut être que mieux et plus durable. Plus que la situation, c’est notre attitude face à elle qu’on doit revoir, car c’est notre meilleur moyen pour gérer l’inévitable et trouver la force d’éviter l’ingérable.
À mon sens il faut à tous prix accompagner les débats écologiques d’un recul philosophique et éthique. Je vous donne un exemple concret : c’est à propos de l’interdiction des jets privés. Sur plusieurs plateaux récemment on pouvait entendre un argument en boucle contre leur interdiction : celui de la liberté. Il y aurait un problème philosophique à empêcher les gens d’utiliser leur jet. Et c’est là où on a un problème, ce libéralisme est totalement déconnecté des réalités physiques, cette soi-disant "liberté" des uns détruit l’existence des autres.
Pour s’en rendre compte, c’est simple, on sait qu’on doit limiter notre empreinte à 2T de CO2 par personne et par an si on veut limiter le réchauffement à deux degrés et éviter de franchir des points de bascule ingérables. Mais pendant qu’en France la moyenne est environ à 8T de CO2 et que la majorité des français essaye de faire des efforts. Un jet privé fait Paris-Tokyo et émet 45 T de CO2, donc 5 à 10 fois plus qu’un avion normal ! Et on ose parler de liberté ?
Allons plus loin - prendre du recul, ça signifie une mise en perspective - avec par exemple un Pakistanais qui émet en moyenne 0,87 t de CO2. Alors certes ce n’est pas son choix mais il est en dessous des 2T. Par contre, eux n’ont pas la liberté d’émettre 45 tonnes de CO2 et subissent l’impact de nos actions au point de voir leur pays devenir inhabitable.
Cette injustice climatique met simplement en exergue une erreur fondamentale : un jet privé est une liberté uniquement dans une perspective économique libérale et néolibérale, par contre dans le monde réel, physique, biologique, naturel, c’est pire qu’une dictature, c’est la garantie d’une planète inhabitable pour tous.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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