LE POINT DE VUE DE PIERRE DURIEUX - Le vent d'hiver s'est transformé en houle à Nantes. Les célébrations traditionnelles ont été remplacées par un spectacle auquel Pierre Durieux n'a pas adhéré.
Certains s’en souviennent peut-être… l’an dernier, une polémique était née ici, à Nantes, en raison du « Voyage en Hiver », ce programme des animations proposées en centre-ville par la mairie, pour sortir de Noël, dans une approche plus ouverte et inclusive. Des illuminations sans guirlandes ni sapins, remplacés par des installations multi-couleurs et « multiculturelles», propres à laisser «la place à toutes les confessions ou non confessions», selon la municipalité.
Le père Noël avait lui-même laissé place à une Mère Noël en jogging, provoquant surtout la stupeur et la déception. Cette année la Mairie a entendu les regrets de très nombreux citoyens, elle a consenti à faire machine arrière - un peu - en replaçant quelques illuminations en centre-ville… et les guirlandes traditionnelles ont fait leur retour.
J’aurais volontiers proposé à Madame la Maire de Nantes d’aller, au contraire, plus loin dans son projet de déconstruction : cette année la Mère Noël aurait pu être incarnée par une jeune femme, juive ou palestinienne, obligée de quitter la terre de son cœur.
Cette année, une scène aurait pu être consacrée à une communauté humaine plurielle, faite de bergers venus de nos territoires ruraux, au nom de ceux qui dorment dehors, et de personnages mystérieux venus d’Asie, d’Orient, d’Afrique, au nom de toutes les personnes en situation de migration. On aurait pu valoriser l’artisanat : le travail manuel du menuisier et du charpentier… « Le métier des berceaux et des cercueils » avait dit Péguy. Un hommage à tous les travailleurs, en somme.
Cette année, les illuminations auraient pu faire une plus grande place à la nature, à nos amis les animaux… je ne sais pas : si on avait valorisé l’âne et le bœuf par exemple ? Et puis, l’année prochaine peut-être quelques moutons, les brebis, un agneau… ? pour unifier le règne du vivant et ne pas en rester à l’humain.
Cette année, on aurait pu valoriser les naissances hors mariage, hors contexte, en hommage à toutes les mères qui n’ont pas accès ni aux hôpitaux, ni à l’hôtel.
Cette année, au plus noir de l’hiver, on aurait pu célébrer la lumière, par une étoile, au zénith ! « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière » dit Rostand. C’est au solstice d’hiver, qu’une lueur suffit à soulever le lourd manteau de nos obscurités !
Bref, de déconstruction en déconstruction, on serait retombé sur notre bonne vieille crèche, qui dès l’origine est la scène la plus sociale, la plus multiculturelle et la plus inclusive qui soit. Il suffit de contempler les santons pour s’en convaincre : aucun personnage n’est de trop ! Même vous, Madame la Maire, y trouveriez votre place !
Les crèches vivantes font, hélas, partie de notre quotidien, et de nos cités ! A mesure que nous avons chassé « La Crèche » de l’espace public, nous les retrouvons, de façon plus tragique, sous la forme de crèches vivantes. Combien de mineurs isolés sont dehors ? Combien de familles dorment, en France, en 2024, sous la tente, dans des voitures, dans des abris de fortune ? Combien de « Mère Noël » avec des enfants dans leurs bras… que nous ne voyons pas, ou plus... parce que nous détournons le regard !
C’est donc bien le contraire qu’il faudrait faire ! Chasser ces crèches vivantes de l’espace public, qui sont une insulte à la dignité humaine. Et laisser une place, peut-être, à nos crèches traditionnelles qui sont un appel constant à accueillir, à respecter chacun. Se prosterner devant l’enfant de la crèche, c’est aussi se prosterner devant l’enfant de la rue.
François Xavier Bellamy avait raison : « Il ne s’agit pas de sauver Noël. C’est Noël qui nous sauve ! » Bon voyage en hiver, Madame la Maire, à la recherche « du signe qui est donné : un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Un bébé Noël qui associe toutes les cultures, toute l’humanité, dans la douce lueur de la crèche !
Bonne « voyage en hiver », euh en Avent, chers amis !
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- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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