Les chancelleries diplomatiques se sont mobilisées du 10 au 13 janvier, d’abord à Genève pour un sommet entre les USA et la Russie, ensuite à Bruxelles pour la reprise du dialogue entre les 30 pays de l’OTAN et la Russie et enfin, à Vienne, pour une rencontre entre les 57 Etats de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
L’objectif pour le Kremlin était de faire avaliser ses exigences, rendues publiques au mois de novembre, à savoir la garantie par l’OTAN de ne pas intégrer l’Ukraine et le retour de l’OTAN à ses frontières de 1997, sans l’Europe orientale. Autant dire que ces exigences étaient absolument impossibles à négocier du point de vue de l’OTAN. Toute la question a donc été de savoir pourquoi le président russe énonçait de telles exigences… Selon moi il s’agissait de la part du Kremlin d’une stratégie consistant à placer l’Occident sur la défensive au moment où l’OTAN doit adopter à Madrid en juin 2022 une nouvelle doctrine militaire.
Mais cette stratégie du Kremlin s’est révélée être un triple échec. D’une part les pays de l’OTAN se sont resoudés face à la menace russe autour de leurs principes communs, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et donc à construire leur propre défense librement. En outre chacun comprend bien, à commencer par la Finlande, que la position de neutralité ne peut plus fonctionner face à la Russie de Poutine.
D’autre part plus personne ne croit que la Russie ait été une victime de l’OTAN comme aiment à se présenter les diplomates russes. Tout au long de la semaine des dizaines d’experts ont expliqué que les 100 000 soldats massés aux frontières de l’Ukraine n’étaient pas occidentaux mais russes. C’est au contraire l’agressivité évidente du Kremlin qui conduit aujourd’hui le Congrès américain à vouloir placer Vladimir Poutine sur la liste des personnes à sanctionner.
Enfin de plus en plus d’experts estiment que le temps est venu pour l’Union européenne de cesser d’être sur la défensive et de prendre ses responsabilités. Vladimir Poutine a clairement souhaité la semaine dernière marginaliser les institutions européennes en négociant directement avec les Etats-Unis sur le sol européen mais sans l’UE. La bonne réponse selon moi consisterait à donner dès aujourd’hui une perspective d’adhésion à l’Union Européenne de l’Ukraine. Il existe déjà un traité d’association entre l’UE et l’Ukraine. La présidence française du Conseil de l’Union européenne représente une bonne opportunité pour la diplomatie française de demander au Conseil européen d’accorder le statut de candidat à l’Ukraine et d’affirmer de la sorte la souveraineté de l’Europe.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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