LE POINT DE VUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Les États généraux du patrimoine ont rendu leurs conclusions lundi, soulignant les difficultés grandissantes pour l’entretien des églises. Un constat qui ne fait qu’alimenter l’un des débats du moment : faut-il, oui ou non, faire payer l’entrée de Notre-Dame de Paris ?
La cathédrale n’a même pas encore rouvert que l’État veut déjà s’occuper de la quête. Rachida Dati a donc redit sa volonté de financer un plan de sauvegarde du patrimoine religieux en faisant payer les visites de Notre-Dame.
La cathédrale n’a même pas encore rouvert que l’État veut déjà s’occuper de la quête.
Sur le papier, bien sûr, l’idée peut sembler séduisante. Autant pour le gouvernement, qui a besoin de maîtriser ses déficits, que pour une part des catholiques, sans doute, qui y voient un petit effort acceptable pour un but louable. Faire les poches des touristes ? Pourquoi pas… Cela se pratique bien à l’étranger.
Et ils ont mille fois raison ! … même si c’est un peu ironique que ce soit à l’Église de rappeler qu’une telle « redevance » dans un lieu de culte reviendrait à blasphémer la loi de 1905, qui l’interdit. Le problème, c’est que même paré des meilleures intentions, il y a là un engrenage dans lequel il ne faut surtout pas mettre le doigt.
La ministre de la Culture a évoqué un tarif « symbolique » de 5 euros… certains réclament déjà 10, 20 ou même 30 euros. Inflation fulgurante ! Et puis, qui nous dit que, très vite, on n’élargira pas le dispositif à d’autres cathédrales ? Et, dans la foulée, à des églises de village ?
Rachida Dati avance tout de même que l’accès resterait gratuit pour les fidèles qui se rendent à la messe… Mais encore heureux ! Sauf que, là aussi, il y a un glissement dangereux dans l’idée que l’expression de la foi se limiterait à la liturgie.
Et puis, est-ce si facile de distinguer à coup sûr le pèlerin du touriste ? le timide passant chercheur de Dieu derrière un groupe de vacanciers ? la seconde de recueillement dans une minute de contemplation ? Qui sondera les cœurs ? Dans ce lieu où l’on a déjà vu un écrivain « n'ayant rien de mieux à faire » touché par la grâce à l’ombre d’un pilier, quels critères pour séparer l’appétit culturel et la soif spirituelle ?
Et en pratique ? Entrée gratuite si vous savez réciter un Notre Père ? Moitié prix sur présentation d’un certificat de baptême ?
Je suis totalement contre, parce que c’est un piège de dissocier à ce point le culturel du cultuel. Alors, c’est vrai : le libre accès aux églises a quelque chose d’inconfortable, pour l’État et parfois pour les fidèles. Mais cette bizarrerie née de la laïcité à la française a aussi une dimension prophétique, à une époque où tout se compte et se tarifie. Une cathédrale, c’est certes une œuvre de foi élevée pour la gloire de Dieu, mais sa beauté est un don qui appartient à tous.
D’ailleurs, si l’Église perdait cette bataille, elle pourrait opter pour une résistance spirituelle, en organisant en continu messes et temps de prière dans Notre-Dame ! Ce serait même l’occasion de témoigner de la vie propre d’un tel lieu et, plus encore, de réaffirmer l’éternelle gratuité de la grâce.
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