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Notre Dame à 5 euros, par Clotilde Brossollet

Un article rédigé par Clotilde Brossollet - RCF, le 20 novembre 2024 - Modifié le 20 novembre 2024
Le point de vue de 7h20Notre Dame à 5 euros, par Clotilde Brossollet

LE POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - Interrogée par Le Figaro le 25 octobre dernier, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a proposé de rendre payante l’entrée de Notre-Dame de Paris pour les touristes. Faire payer 5 € l’accès à la cathédrale permettrait, en cette période de vaches maigres pour l’État, de financer "un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux". La ministre a confirmé cette proposition lundi, lors de sa visite au siège de la Conférence des évêques de France, à l’occasion de la présentation des résultats des premiers États généraux du patrimoine religieux. Cette idée s’est toutefois heurtée, une fois de plus, au refus catégorique de l’épiscopat.

Clotilde BrossolletClotilde Brossollet

Il est vrai que cette proposition suscite de nombreux débats. Il n’a évidemment jamais été question de faire payer les fidèles, mais uniquement les touristes qui visitent la cathédrale comme on visiterait un bâtiment davantage culturel que cultuel. La proposition de Rachida Dati n’est pas sortie de nulle part : l’entretien du patrimoine religieux est un gouffre financier, et l’État, tout comme les collectivités locales, peine à le soutenir faute de moyens.

Notre déficit public bénéficierait grandement d’une réduction du budget consacré à la culture, en particulier pour l’entretien des 87 cathédrales françaises, dont le coût était estimé à 75 millions d’euros en 2015. Quant aux communes, elles portent aussi une lourde charge : 75 % des 42 000 églises de France se situent dans des communes de moins de 3 000 habitants. Or, les coûts sont considérables : restaurer un vitrail coûte environ 5 000 €, rénover la toiture d’un clocher 20 000 €, et mettre une chapelle aux normes de sécurité incendie 25 000 €. La proposition de Rachida Dati peut donc être perçue comme réaliste, tenant compte des contraintes financières, loin de tout rêve d’argent magique.

Une solution pour financer l’entretien de Notre-Dame de Paris

Je ne suis pas d’accord avec cette proposition, mais je reconnais qu’elle n’est pas dénuée de bon sens : elle pourrait rapporter, rien que pour Notre-Dame, jusqu’à 75 millions d’euros par an. Cependant, il est un peu facile pour nous, catholiques, simples affectataires, de profiter de nos églises tout en nous dédouanant de leur entretien sous prétexte qu’elles nous ont été confisquées par l’État. Si ces églises et cathédrales nous appartenaient encore, serions-nous capables de les entretenir ?

Nous ne pouvons pas rejeter en bloc la proposition de Rachida Dati sans nous sentir concernés. Mais il faut aussi souligner un certain manque de bonne foi chez ceux qui défendent avec insistance l’idée d’une entrée payante pour Notre-Dame. L’éditorial de Michel Guérin, rédacteur en chef du Monde (15 novembre), en est un exemple révélateur.

Séparer la dimension cultuelle de la dimension culturelle

Michel Guérin plaide non seulement pour faire payer l’entrée à Notre-Dame, mais aussi pour étendre ce principe à toutes les autres cathédrales et augmenter le prix à 20 ou 30 euros. Il appuie son raisonnement sur l’état des finances publiques et affirme que "la cathédrale n’a plus grand-chose à voir avec un lieu de prière. Elle attire mille fois plus de touristes mondialisés que de fidèles."

Cet argument est fallacieux, car il crée une distinction artificielle entre touristes et fidèles et pose des questions pratiques : le visiteur réserverait son entrée, tandis que le fidèle n’y accéderait que pour les offices. Cette séparation impliquerait une distinction rigide entre la dimension spirituelle et temporelle des lieux : la cathédrale deviendrait purement culturelle, puis purement cultuelle. Une telle conception reflète une philosophie moderne qui oppose le temporel et le spirituel. Or, en tant que catholiques, nous ne pouvons accepter cette vision. Comme Henri de Lubac l’a souligné, le spirituel est présent, en creux, dans le temporel. Transformer la cathédrale en simple attraction touristique nierait la possibilité pour un touriste de devenir pèlerin et oublierait que la beauté de ces édifices découle d’une transcendance.

Si la proposition de Rachida Dati est en contradiction avec notre foi, elle doit néanmoins nous interpeller. En tant qu’affectataires, nous sommes à la fois les principaux usagers de ces lieux et leurs premiers gardiens. Nous voulons que nos églises et cathédrales restent des lieux d’accueil inconditionnel. Mais, individuellement, assumons-nous réellement notre part de responsabilité dans leur entretien ?

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