Stacy Algrain nous propose son regard sur la réforme des retraites. Peut-on faire un lien avec l'écologie ?
J'aimerais vous parler de la vie ou plutôt de la mort puisqu’in fine, c’est bien elle qui confère toute sa beauté à cet exploit que nous vivons chaque jour. Nos cœurs qui palpitent dans nos poitrines, des milliers d’atomes qui, sans même que l’on ait réellement conscience qu’ils existent, rendent possibles ces mots et ma pensée.
Notre cher Johnny Hallyday, que j’ai déjà eu plaisir à citer à ce même micro, chantait qu’il avait oublié de vivre. Je ne sais pas vraiment si nous avons oublié de vivre, mais j’ai en tout cas l’impression que nous avons oublié que nous étions humains. Que derrière ces êtres de chair et de sang, ces mécanismes complexes défiant jusqu’à toutes les limites du concevable, se cache une horloge. Glissée là dans l’une des poches de notre âme, elle cliquette doucement. tic tac. Nous naissons, nous grandissons, nous aimons. Tic Tac. Nous décrochons notre premier job et achetons notre premier appart. Tic Tac.
Nous attendons les opportunités, remettons à demain les pardons. Et puis un jour, sans prévenir, un minuscule grain de sable, de la même taille que ceux que l’on collectait dans nos seaux d’enfants pour en faire des châteaux, se glisse entre les rouages. L’aiguille tressaute, le tic tac se mue en murmure. Il n’était pourtant pas si tard. 20h54. Nous nous sommes endormis dans le canap’ avant même que la soirée ne commence.
Pour encore beaucoup des plus précaires de notre société, la retraite, c’est comme cette soirée que l’on aurait manqué en s’étant écroulé en rentrant du travail. La micro-sieste se serait transformée en coma. Alors, la liberté, la dignité, le bonheur, n’auront été que des lueurs faiblardes au bout d’un chemin qu’ils étaient voués à ne jamais atteindre. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde parle de l’âge de la retraite comme une variable dans une équation.
Comme si vivre après 62, 64 ou 70 ans était une évidence. Comme si à force de repousser toutes les limites, à voler dans le ciel au milieu des oiseaux, à envoyer des humains sur la Lune et à fouiller les entrailles de la Terre, nous en avions perdu de vue notre propre finitude. Tout comme jadis avec la nature et nos machines biberonnées au pétrole, le transhumanisme serait en mesure de balayer les limites de notre corps. Serait-ce donc cette tendance à créer des fictions pour nous prémunir de la mort qui nous aurait conduit à nous croire les maîtres et possesseurs de la nature ? Je ne le sais pas. Mais je nous souhaite d’ouvrir bientôt les yeux sur notre appartenance à une même ligne de vie que le reste du vivant. Apprécions les battements de nos cœurs au même titre que ceux des ailes d’un papillon car ils ont en cela de commun de ne pas être éternels.
Jeunes de la "génération climat", Féris Barkat, 20 ans, et Stacy Algrain, 23 ans, livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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