Alors qu'Agnès Pannier-Runacher vient d'être nommée Ministre de l'Écologie, Marie-Hélène Lafage revient sur l'histoire de ce portefeuille avec une question bien précise en tête : ce ministère a-t-il encore un sens ?
Ce ministère, il est vrai, n’a pas bonne presse. Le premier à occuper ce poste en 1971, Robert Poujade, avait d'ailleurs publié un livre intitulé Le ministère de l'impossible. Depuis, cette expression a souvent été reprise. La plupart des ministres de l'Écologie ne restent pas longtemps en fonction. Ils sont parfois révoqués ou démissionnent, comme ce fut le cas de Nicolas Hulot en 2018. Peut-on encore attendre quelque chose du ministère de l'Écologie, et quel est le problème ?
Il est clair qu'il existe un véritable enjeu autour de ce ministère. Plusieurs livres ont été publiés ces dernières années, notamment 800 jours au ministère de l’impossible de Léo Cohen (2022), et La Poudre aux yeux – Enquête sur le ministère de l’écologie de Justine Reix. Ces ouvrages dressent un constat sombre : ils décrivent un ministère qui, dès qu’il propose une mesure, perd tous ses arbitrages face à ses collègues des Finances, de l’Agriculture, de la Défense, etc. Un ministère qui peine à prendre en compte le temps long face à l'urgence politique du court terme. Comme le souligne Léo Cohen, la règle en matière d’écologie semble toujours être : "pas maintenant, pas ici, pas comme ça." Il faut également mentionner l’influence des lobbies, présents à la table des négociations aux côtés des ministres. On peut penser à la démission de Nicolas Hulot, liée à cette influence, ou encore à Nicole Bricq, l’éphémère ministre de l'Écologie en 2012, évincée après seulement un mois pour s'être opposée à des forages pétroliers en Guyane.
Sur le papier, le ministère de l'Écologie est devenu l'un des trois principaux ministères. En 2022, Emmanuel Macron a même souhaité faire de la "planification écologique" une priorité, pilotée depuis Matignon par Élisabeth Borne. Mais dans les faits, les budgets et les effectifs ne cessent de diminuer. Beaucoup d’annonces et de déclarations, mais peu de réalisations concrètes. Sans un projet écologique soutenu au plus haut niveau de l’État par le Président et son Premier ministre, l'écologie restera une simple préoccupation accessoire, difficile à assumer, une sorte de mauvaise conscience gouvernementale, plutôt qu’un véritable projet de société.
La régression, cette fois, est visible même sur le papier. La planification écologique n’est plus rattachée au Premier ministre. Le budget de la biodiversité a été réduit de 20 % et n’est plus associé à un secrétariat d’État. Plus inquiétant encore, la feuille de route du gouvernement est plus floue que jamais : le nouveau plan national pour adapter la France au changement climatique, prévu pour cet été, n'a pas vu le jour. L'écologie semble reléguée loin des priorités actuelles. Le "ministère de l’impossible" va-t-il désormais devenir le "ministère de l’invisible" ?
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