LE POINT DE VUE DE CORINNE BITAUD - La semaine dernière, Marie-Hélène Lafage se demandait s'il valait encore la peine de parler d'écologie, alors qu'on en parle déjà partout, dans les discours politiques ou publicitaires. Elle défendait l'idée que la parole nous met en mouvement et que les chrétiens, tout particulièrement, croient en la force de la Parole. Corinne Bitaud, théologienne et agronome, revient sur cette question essentielle de la force de la Parole.
Dans mon travail quotidien, on me pose souvent la question de la légitimité des chrétiens pour aborder les questions d’écologie et de climat. On me demande s’ils ont vraiment besoin de répéter ce que d’autres disent déjà sur le tri des déchets, le choix des ampoules, et les émissions de gaz à effet de serre. Alors oui, bien sûr, il faut trier ses déchets – mais surtout en produire moins ; bien choisir ses ampoules – et éteindre la lumière en sortant d’une pièce ; et émettre moins de gaz à effet de serre. Les chrétiens peuvent le répéter, car nous sommes encore loin du but, et chaque voix compte. Mais au-delà des moyens d’action pour protéger la planète, les chrétiens ont quelque chose à dire sur les causes de ce qui nous arrive et sur les leviers pour nous mobiliser.
Lors d’un colloque à Lausanne en 2009, le philosophe Dominique Bourg affirmait déjà que "la crise écologique dans laquelle nous nous abîmons est d’essence spirituelle." Nous en sommes là à cause de notre compréhension du monde, de notre place d’humains dans ce monde, et – pour les croyants – de la compréhension que nous avons du projet de Dieu pour ce monde. Et c’est pour les mêmes raisons que nous peinons à dévier de cette trajectoire périlleuse vers les +4°C à la fin du siècle. Parce que nous nous considérons comme des êtres supérieurs, autorisés à exploiter le reste de la création ; parce que nous sommes avides de pouvoir (ne serait-ce que de pouvoir d’achat), de consommation, et de puissance. Jean-Marc Jancovici a calculé que chaque Français utilise quotidiennement une puissance de travail équivalente à 600 esclaves, grâce aux énergies fossiles. Très difficile d’y renoncer. Et pourtant, c’est principalement de là que viennent nos problèmes climatiques.
Car le propre du christianisme est justement de nous proposer de changer de regard. La promesse répétée dans les Écritures d’un salut pour toute la Création nous interdit de mépriser la moindre parcelle de celle-ci, puisqu’elle est jugée digne de salut par Dieu. Face à nos erreurs, la parole de pardon nous encourage à essayer de faire toujours mieux. Face à l’éco-anxiété, l’engagement de Dieu à nos côtés, sur nos chemins, nous donne le courage d’affronter les difficultés. Les Églises annoncent que la résurrection est déjà en marche, qu’un monde nouveau est en préparation. C’est ce que dit le texte de l’épître de Paul aux Romains, choisi cette année pour illustrer le Temps pour la création, qui a débuté le 1er septembre et se terminera le 4 octobre. Le 4 octobre, jour de la fête de François d’Assise, l’homme qui prêchait aux oiseaux et marchait délicatement sur le sol pour préserver les vers de terre. Et ça, c’est un sacré changement de regard sur le monde qui nous entoure.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !