Dans cette chronique, Hilaire Bodin encourage à accepter notre vieillissement physique, afin de libérer l’élan spirituel qui lui ne s’essouffle pas avec le temps. |
Hilaire dans une chronique récente, vous parliez de votre ami Raymond qui vous disait : « je ne sais pas quoi faire de moi », cette exclamation ne soulève-t-elle pas la question du sens ?
L’assurance retraite, la mutualité sociale agricole ont mis en place un site internet qu’ils appellent « bien vieillir ». Ils donnent de judicieux conseils pour une vieillesse heureuse. Il faut être bien dans son corps, bien dans sa tête bien avec les autres, bien chez soi et évidemment bien avec sa caisse de retraite… ! Sans nier l’intérêt de ces conseils, je ne crois pas que tous ces « biens » répondent au non-sens éprouvé par Raymond, ni à celui de Jean qui me disait récemment : « Autrefois, j’ai construit des centrales nucléaires, ça demandait du métier, les jeunes d’aujourd’hui ne savent rien faire » . En effet, Jean, retraité depuis 15 ans, n’arrive pas à s’intéresser à d’autre chose qu’a son glorieux passé professionnel. Raymond et Jean ont en commun d’être incapables de vivre leur présent de retraité. Habitués à respecter les consignes, habitués à obéir , peut-être depuis l’enfance, ils n’arrivent pas à se projeter dans l’avenir et à construire un vrai projet de vie. La retraite, ce n’est pas se mettre en retrait de la vie. Être retraité, c’est décider de retraiter notre vie afin de réaliser nos vrais désirs, les nôtres, pas ceux des autres. Jeunes retraités, nous ne sommes confrontés qu’à nous-même. Nous vivons l’enthousiasme, mais aussi l’épreuve de cette nouvelle liberté, conquise par nos ancêtres . C’est une question essentielle, je dirais même existentielle. Quel sens allons-nous donner aux 20 ans, 30 ans ou plus que nous avons devant nous ? Retraité, nous ne partons pas pour 30 ans de vacances, il faut donner du sens à ces heures vacantes ! Elles ont besoin du souffle d’un projet qui transcende notre quotidien.
Vous parlez de souffle, d’élans et de projets…Vous pensez que c’est nécessaire ? C’est la condition d’une vieillesse joyeuse. Ainsi, nous les vieux, nous devons, nous poser la question suivante : Que faire de ce temps de vie afin de rester longtemps vivants ? Je vais illustrer ces questions par deux histoires de vie. Jean Claude était un sportif accompli et un passionné de ski de piste. Il me disait « Tout pendant que je pourrais dévaler les pistes noires, je ne me sentirais pas vieillir ». Malheureusement, à 76 ans, il fait une chute entrainant une fracture suffisamment grave pour que le médecin lui dise : « je crois bien que pour vous, le ski de piste tel que vous le concevez, c’est fini » . Face à ce diagnostic, il est entré dans un profond désespoir et 6 mois après, il était mort. Jean avait rêvé de construire un petit château pour sa nouvelle femme. Il a travaillé d’arrache- pied pendant 20 ans, truelle à la main, rabot, tournevis, il a enjolivé sa demeure d’une tour carrée. A 80 ans, il n’avait pas terminé son chef-d’œuvre mais n’avait plus la santé pour continuer. De désespoir, il est entré dans la maladie d’Alzheimer.
Contrairement à Raymond et Jacques, vous ne trouvez pas que Jean Claude et Jean avaient des projets qui pouvaient sembler avoir du souffle et de l’élan ? Au 1er abord oui, mais ni l’un, ni l’autre n’a intégré l’essentiel. Soit, le simple fait d’accepter de vieillir, d’accepter que notre corps perde de la vitalité. L’élan durable c’est l’élan spirituel qui, lui, ne s’essouffle pas avec le temps. Avoir une vision juste de notre vieillissement, nécessite l’acceptation de la fragilisation progressive de nos ressources physiques. Cette acceptation de nôtre réalité contribue à une plus juste présence à nous-même et au monde. Notre belle liberté de vieillard est avant tout une liberté spirituelle. Le saviez-vous ? Nous avons cette incroyable chance que notre esprit ne vieillisse pas. Notre capacité de nous émouvoir devant l’éclat d’une rose, la possibilité de nous émerveiller face au rougeoiement d’un coucher de soleil, notre attendrissement devant les premiers pas de notre petite fille, notre présence auprès de celui ou celle avec qui nous partageons la couche, notre joie d’être vivant, présent et aimant expriment la fraîcheur de notre vie intérieure.
C’est bien ce que vous dites sur la vie intérieure mais la dégradation corporelle, la souffrance, la dépendance : avouez que ce n’est pas facile à vivre, pas plus qu’à leur trouver une signification ! Indiscutablement, la grande vieillesse avec son cortège de souffrance et sa plus grande solitude est une épreuve. Epreuve qui m’est, aujourd’hui à 75 ans, encore étrangère. Néanmoins, Je crois que, si nous nous éprouvons relié à ceux que nous aimons. Si nous sommes entourés de la tendresse de nos proches, en juste retour de celle que nous leur avons prodigués. Si nous acceptons notre propre fragilité, notre dépendance, si nous accueillons notre finitude, si les souffrances ne nous isolent pas trop, nous pouvons entrer dans une paix intérieure propice à la rencontre avec celui qui nous attends. |
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