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Benjamin Osio, missionnaire spiritain : la passion d'Haïti

Un article rédigé par Véronique Alzieu - RCF, le 9 octobre 2024 - Modifié le 9 octobre 2024
TémoinP. Benjamin Osio religieux spiritain, missionnaire en Haïti pendant 10 ans

Après avoir exercé avec passion le métier d'architecte, Benjamin Osio a fait le choix de la vie religieuse en rejoignant la congrégation du Saint-Esprit, les spiritains. Il a passé dix ans en Haïti comme missionnaire au service d'une population qui l’a adopté. Mais depuis quelques années le pays tout entier s'enfonce dans le chaos à cause de milices qui se sont emparées du pouvoir. C'est contraint et forcé que le P. Benjamin a dû partir gardant l’espoir d’y retourner pour terminer ce qu’il y a commencé.

Benjamin Osio à Port-au-Prince ©Œuvres pontificales missionnaires (OPM)Benjamin Osio à Port-au-Prince ©Œuvres pontificales missionnaires (OPM)

"Quand on est spiritain, on est appelé à faire corps avec ceux auprès de qui on est envoyé. On s’identifie à celles et ceux qui nous accueillent et je peux dire que j’ai été accueilli par les Haïtiens. Ils m’ont apprivoisé et je me sens comme un membre de la famille."

L’émotion est palpable quand Benjamin Osio évoque les dix années qu’il a passé à Port-au-Prince, ville qu’il a dû quitter précipitamment en mars 2024. Sa congrégation avait décidé de l’y envoyer en 2014 alors que tout était à reconstruire. Il faut dire qu’il est architecte, métier qu’il a exercé avec passion pendant près de dix ans. "On m’a proposé Haïti par ce que j’avais des compétences en reconstruction, explique-t-il. Quatre ans plus tôt, un énorme séisme avait frappé Port-au-Prince et ses environs, faisant des dizaines de milliers de morts et des dégâts considérables." Tout était détruit, y compris l’école Saint-Martial "qui est au cœur de la mission des spiritains depuis 1871 et qui accueille plus de 1500 élèves"

 

Au fond, c’est le Christ qui porte tout

 

Une vocation missionnaire

Lyonnais d’origine, Benjamin Osio s’est approprié la foi vécue dans sa famille. "Je peux dire que j’ai rencontré le Christ à l’âge de dix-huit ans, lors d’une retraite au Foyer de Charité de la Flatière en Haute-Savoie. Une expérience brûlante, sincère et profonde, qui a mis dans mon cœur la question de la vocation religieuse." 

Le jeune homme a fait des études d’architecte, puis travaillé dans un cabinet auquel, au bout de quelques années, on lui a proposé de s’associer. Il sentait qu’il fallait prendre une décision, vertigineuse. "J’ai choisi de sauter dans le vide après une retraite chez les jésuites. Un grand calme s’est installé en moi et les choses se sont faites en douceur. Au fond c’est le Christ qui porte tout".

En 2002 il est entré dans la congrégation du Saint-Esprit - connue sous le nom de spiritains - et a suivi une longue formation au cours de laquelle il a été envoyé à Zanzibar. Il pensait y retourner une fois ordonné prêtre – après tout il parlait la langue - mais ce serait Haïti. "Depuis l’origine, en 1848, Haïti est à la racine de l’arbre spiritain, raconte Benjamin Osio (voir l’encadré). C’est un grand peuple !" Mais Haïti a beau être la première République noire libre du monde après la seule révolte d'esclaves victorieuse de l'histoire, c’est un peuple en souffrance dont les dirigeants corrompus ne sont pas à la hauteur.

 

Le père Benjamin à Port au Prince ©Oeuvres pontificales Missionnaires

 

Je devenais une cible et donc une menace pour ma communauté

 

Le chaos haïtien

"Vous avez dû partir ? Eh oui… j’ai dû partir," répond Benjamin Osio après un long silence. Ça devenait vraiment dangereux. Les quatre premières années la situation était plutôt calme, mais en 2018 des gangs ont commencé à semer la terreur. Des gangs armés par le gouvernement qui sentait monter des critiques dans la population." Suite au tremblement de terre, des montants faramineux provenant de l’aide internationale ont été levés pour financer la reconstruction mais rien n’a été fait. Les milices à la solde du pouvoir ont eu pour mission d’étouffer le début d’un soulèvement.

Petit à petit, ils ont échappé à tout contrôle et ils ont fait sombrer Haïti dans le chaos. "Ces milices armées jusqu’aux dents terrorisent la population, poursuit le père Benjamin Osio, et elles sont engagées dans une lutte de territoire, quartier par quartier. Ça tire à tout bout de champ, sans parler des enlèvements et des demandes de rançon... Au bout d’un moment avec mes confrères haïtiens on a senti que je devenais une cible et donc une menace pour ma communauté. La mort dans l’âme je me suis manifesté auprès de l’ambassade de France et j’ai été rapatrié par l’armée française au mois de mars 2024. Ma mission touchait à sa fin mais je n’imaginais pas partir dans ces circonstances."

 

J’espère y avoir été un bon serviteur

 

L'espoir d'un retour

Récemment, sa congrégation a autorisé le Père Benjamin à retourner à Port-au-Prince. "Je guette le moment propice, dit-il. Je voudrais pouvoir régler quelques dossiers et laisser les choses en ordre avant mon départ définitif. Et puis j’ai besoin de relire ces événements avec mes confrères et participer à une réflexion sur l’avenir pour engager une nouvelle dynamique. Mais je dois me préparer à quitter Haïti pour de bon. J’espère y avoir été un serviteur et pouvoir l’être à nouveau en me rendant disponible pour une autre mission, ailleurs."

 

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