Régulièrement, des prêtres défraient la chronique en annonçant qu’ils quittent le sacerdoce. Si certains - comme Matthieu Jasseron il y a quelques jours - le font à grand renfort de médias, d’autres partent sur la pointe des pieds, mais les raisons de cette décision sont souvent les mêmes. Quelles sont ces raisons et dans les faits, les prêtres qui quittent leur ministère sont-ils beaucoup plus nombreux qu’avant ?
Il y a quelques jours, le prêtre youtubeur Matthieu Jasseron postait une vidéo de 45 mn dans laquelle il explique les raisons pour lesquelles il abandonne la prêtrise. Une annonce qui n'est pas passée inaperçue (c'était le but) et qui a au moins le mérite de susciter discussions et débats sur une réalité vieille comme l'Église.
Des départ qui s'inscrivent dans un contexte de pénurie et de crise des vocations.
Pour Josselin Tricou, sociologue spécialiste du genre, des sexualités et du catholicisme, la question des prêtres catholiques qui quittent le sacerdoce n’a rien de nouveau. Il rappelle qu’entre 1949 et 1980, plus de 60.000 départs de prêtres, religieux et religieuses ont été recensés en France et que dans les années 1960, 200 prêtres quittaient chaque année leur ministère. "Mais à cette époque, explique-t-il, ils étaient bien plus nombreux alors qu’aujourd’hui il y a pénurie avec une crise des vocations. Dans ce contexte, 17 départs de prêtres comme ce fut le cas en 2016, ce n’est pas rien. On sait que ceux qui jettent l’éponge le font essentiellement au cours des 5 ans qui suivent l’ordination, et qu’ensuite ça se tasse".
Des estimations à manier avec prudence dans la mesure où certains prêtres ne demandent pas la régularisation de leur situation et partent sur la pointe des pieds. "La Conférence des Evêques de France communique très peu sur ce sujet ajoute Josselin Tricou et l’on aimerait avoir plus de chiffres. Autre nouveauté bien sûr, c’est l’auto médiatisation de certains de ces départs – comme récemment Matthieu Jasseron - et le sentiment de honte qui s’est beaucoup atténué".
Le père Cédric Burgun est vice-doyen de la Faculté de Droit canonique et vice recteur du séminaire universitaire de l’Institut Catholique de Paris. Il rappelle que les prêtres jouissent d’une meilleure protection sociale qui leur permet de changer de vie plus facilement. "De plus, le contexte général est assez porteur. Si vous me permettez une analogie, rappelons-nous qu’il y a moins d’un siècle la question des divorcés remariés était un sujet tabou dans la société où tout allait à l’encontre de ce qui était considéré comme une infidélité à un engagement. Sans tomber dans une forme de banalisation, il est mieux compris qu’une vie puisse être marquée par différents aléas, y compris dans une vocation ecclésiale ».
Pour Josselin Tricou le départ d’un prêtre est le résultat de facteurs multiples. Souvent des raisons d’obéissance, de doctrine, d’idéologie ou de pastorale mais ils se traduisent très rapidement par un choix de vie conjugale. "93 % des prêtres qui quittent à ce moment-là se mettent en couple dans une majorité des cas avec une femme qu’ils connaissent déjà. Le facteur sexuel joue puisque quand on est hétérosexuel, on a plus tendance à quitter et quand on est homosexuel on a plus tendance à rester.", précise-t-il.
La situation des prêtres est devenue plus difficile qu’avant.
"La question du célibat compte mais je ne crois pas qu’elle soit la première cause de leur départ insiste le père Cédric Burgun. Un prêtre qui est mal dans son ministère et dans sa mission a tendance à aller chercher des compensations affectives et ou sexuelles. Il est certain que la situation des prêtres est devenue plus difficile qu’avant. Il y a notamment une plus grande solitude du ministère, une difficulté relationnelle avec l’institution. Je remarque aussi qu’une France nous avons réduit la vocation sacerdotale à la vocation paroissiale. Les changements de ministère et les moments où le prêtre peut retrouver du souffle ne sont rares. Combien de prêtres ont été envoyés aux études en France et ensuite reviennent dans leur diocèse et sont nommés dans une paroisse. On ne leur confie rien qui soit en rapport avec leurs études et les compétences acquises. Des études qui n’auront été qu’une parenthèse. Cela revient à dire qu’il y a certainement une question de management au sein de l’Église. Mais être prêtre, ce n'est pas exercer un métier comme les autres!"
Ce n’est pas le célibat qui fait le prêtre.
David Gréa n’a pas le sentiment d’avoir cherché une compensation à un mal-être en lien avec son sacerdoce. "Je disais souvent que j’étais le prêtre les plus heureux qui soit, explique-t-il, mais l’homme lui, ne l’était pas vraiment. Je m’en étais ouvert à mon évêque 3 ans avant de rencontrer ma future femme. Il me manquait quelqu’un à mes côtés avec qui tisser le fil des jours. Et la tendresse. C’est donc le célibat qui me pesait".
Pourtant au moment de leur entrée au séminaire, les futurs prêtres savent à quoi ils vont devoir renoncer et ils y sont préparés. "Bien sûr, répond l'ancien prêtre, mais quand on entre au séminaire ce n’est pas parce qu’on se sent appelé au célibat, c’est parce qu’on se sent appelé à être prêtre. Ensuite il faut intégrer la question du célibat et l’on a beau s’y préparer et s’y engager, on n’a pas toutes les cartes en main comme chaque fois que l’on prend un engagement."
Pourquoi ne pas essayer de traverser ce passage à vide comme un couple en difficulté peut le faire sans forcément divorcer ? "J’ai toujours eu la conscience aigüe que le célibat est une convenance et que ce n’est pas le célibat qui fait le prêtre, explique l’ancien prêtre lyonnais, docteur théologie. Ce que j’ai vécu n’était pas un simple passage à vide, c’était bien plus profond" tient à rappeler celui qu’il n’a pas quitté la prêtrise, mais à qui il a été demandé de le faire. Lui demandait à continuer. "Je suis sûr que j'aurais été un meilleur prêtre encore conclue-t-il."
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