Dans le livre "Foi et religion dans une société moderne" (éd. Salvator 2021) le cardinal Joseph de Kesel, archevêque émérite de Malines-Bruxelles, fait l’état des lieux d’une Église catholique qui a perdu le pouvoir et l’influence dont elle jouit pendant des siècles dans une société sécularisée. Il invite à sortir du catastrophisme et à voir cette situation comme une grâce en faveur d’une Église plus humble et plus authentique.
Des siècles durant, le christianisme a joui du statut de religion culturelle dans nos sociétés. Il était le repère, la norme dans tous les domaines. Mais aujourd’hui, un processus inéluctable de sécularisation est en marche et l’Église catholique a perdu son influence et son pouvoir. Faut-il s’en affoler ? "Non ! répond le cardinal Joseph de Kesel, archevêque émérite de Malines-Bruxelles. Ce n’est pas parce qu’elle n’est plus religion culturelle qu’elle n’est plus rien. Elle n’a pas nécessairement besoin d’être dans une société chrétienne pour exister. L’Église doit vivre dans le monde et pas dans son monde."
La perte d’influence de l’Église ne signe pas sa disparition
Pourtant nombre de croyants s’inquiètent de l’éventuelle disparition de cette Église. "Sa perte d’influence ne signe pas sa disparition explique Mgr Kesel, mais cela pourrait arriver. C’est ce qui s’est passé en Afrique du Nord, la zone la plus christianisée du bassin méditerranéen aux premiers siècles. Le déclin a commencé avant même l’arrivée de l’islam et aujourd’hui l’Eglise y est très minoritaire". Il faut donc prendre la situation au sérieux même si dans la plupart des pays occidentaux, l’Eglise n’est ni marginalisée ni minoritaire contrairement à la Chine où le cardinal a récemment effectué un voyage.
Pour Mgr de Kesel, les chrétiens ne doivent pas s’avouer vaincus, mais ils ne doivent se tromper pas de combat. "Devons-nous évangéliser ? interroge-t-il, bien sûr que nous devons le faire ! La question est : Comment le faire ? Car évangéliser n’est pas christianiser ! Christianiser la société suppose que les non chrétiens n’auraient plus leur place. Regardez ce qui se passe en Afghanistan : une société où l’islam est religion culturelle et où il n’y a de place pour rien d’autre. C’est invivable ! Je plaide pour une Église présente et pas conquérante, une Eglise qui (re)devienne à taille humaine et humble."
Ce n’est pas l'Église qui sauve le monde, c’est Dieu
Ce que l’Église a perdu n’est pas l’essentiel pour l’archevêque émérite de Malines-Bruxelles. "Le Christ n’a eu ni pouvoir ni influence dans la société de son temps, il a fini tout seul, explique-t-il. Regardez les moines de Tibhirine : aucune conversion, rien de quantifiable et une fin tragique. Mais ils étaient là, témoins du Christ."
Tout au long de son livre, celui que le pape François a créé cardinal en 2016 développe l’idée que Dieu veut se faire connaître dans le monde et que c’est la vocation de l’Église catholique. "Ce n’est pas elle qui sauve le monde, c’est Dieu ! martèle-t-il. Et l’Église en témoigne. Une communauté certes moins nombreuse mais plus humble et qui n’a pas peur de dire sa foi.
Et si la sécularisation était une chance pour l’Église ? "Je le crois, confie Mgr de Kesel, à condition qu’une véritable conversion soit opérée pour accueillir le monde tel qu’il est avec humilité. L’Eglise ne vit pas un effondrement, elle traverse une épreuve. Elle doit désormais consentir à vivre dans le monde et pas dans son monde. Elle doit essayer d’être partout mais ne pas considérer qu’elle est tout. La seule chose à vivre c’est être authentiquement chrétien, être présent dans le monde en paroles et en actes, sans prosélytisme."
Mgr de Kesel s’étonne que certains chrétiens aient peur. "Peur de quoi ? Croit-on que sans l’Église le monde est perdu ? Comme si Dieu ne l’avait pas créé et l’avait abandonné ! Dieu est en train de sauver le monde aujourd’hui et l’Église n’a d’autre mission que de le dire."
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