Les pharisiens sont souvent décrits comme les ennemis du Christ, les méchants des Évangiles. "Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites", dit Jésus dans l'évangile de Matthieu. Et si cette phrase terrible avait été mal traduite ? Qui était ce groupe de juifs et en quoi s'opposaient-ils à Jésus ?
"Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites" (Mt 23, 13), dit Jésus dans l’évangile de Mathieu. Que faire de cette sentence terrible qui résonne comme une malédiction ? D’abord, qui sont les pharisiens et qu’ont-ils fait pour que le Christ les condamne ainsi ?
Ce que l’on sait des pharisiens, on le doit aux évangiles et grâce à l'historien du Ier siècle Flavius Josèphe. Si l’on en croit ce dernier, au temps de Jésus ce n’était pas un mouvement très ancien, rapporte Mireille Hadas-Lebel. Professeur d'histoire des religions à la Sorbonne et spécialiste du judaïsme de l'Antiquité tardive, elle est l’auteure du livre "Les Pharisiens dans les Évangiles et dans l'histoire" (éd. Albin Michel, 2021). Elle a bien étudié ce mouvement au sein du judaïsme qui, au temps de Jésus, rassemblait environ 6.000 personnes sur une population de deux millions.
"À la loi écrite ils ajoutaient des traditions orales", écrit Flavius Josèphe. Ce qui a fait dire à certains que les pharisiens sont à l’origine "de ce qui sera beaucoup plus tard le Talmud, la loi orale en hébreu", commente Mirelle Hadas-Lebel. Pour l’historien de l’Antiquité, qui a d’ailleurs fini par adhérer au pharisianisme, c’étaient "les meilleurs exégètes de la bible". "Ils étaient très respectés, observe Mirelle Hadas-Lebel, et certainement plus respectés que les saducéens, qui étaient une petite caste à part autour du temple, très aristocratique un peu dédaigneuse du peuple, tandis que les pharisiens étaient très ouverts, très affables." Flavius Josèphe va même jusqu’à les décrire comme "exemplaires sur le plan moral".
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Les pharisiens sont particulièrement décriés, on en a fait les méchants des évangiles. Étaient-ils des ennemis de Jésus ? "Ils n’attaquent pas Jésus si sur sa messianité ni sur des questions importantes, relève Mireille Hadas-Lebel, en fait ils se retrouvent pleinement d’accord sur l’essentiel." Par exemple sur le respect de la Torah, de la loi : "Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes" dit Jésus (Mt 5, 17). Ou encore, quand Jésus dit : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit" (Mt 22, 37) cela correspond à la prière "Chema Israël"… Certes il est des sujets sur lesquels les pharisiens débattent avec Jésus, comme le divorce, les limites de l’observance du sabbat, la pureté, le jeûne, le serment… Mais "nous sommes en plein dans ce que les rabbins appellent la Halakha", note Mireille Hadas-Lebel.
Les pharisiens se distinguent par leur croyance en la résurrection. "Il s’agissait dans l’esprit des premiers pharisiens d’une croyance dans une résurrection collective, explique Mireille Hadas-Lebel, où les hommes seraient jugés, et pas la résurrection d’un seul homme qui annoncerait la résurrection de l’humanité", comme l’a développée Paul.
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"Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites" (Mt 23, 13). Cette phrase, qui résonne comme une malédiction, "a eu des conséquences terribles dans l’histoire". Mireille Hadas-Lebel met en cause la traduction, car on pourrait pu traduire par "pauvres de vous" dans le sens d’une lamentation plaintive.
Cette émission, réalisée sous forme d’entretiens, a pour objectif la découverte des racines juives du christianisme. La culture et les références chrétiennes étant de moins en moins connues, il est important d’en rappeler les racines et donc le sens. Et c’est dans la tradition juive qu’il faut chercher cet enracinement, tant dans le domaine de la prière que de l’éthique ou des textes évangéliques.
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