Dans les textes de la fin de l'année liturgique, il y a un air de fin du monde, avec des images choc. Tremblement de terre, famine, étoile qui s'effondre... L'évangile de ce dimanche ressemblerait presque à la liste des pires mauvaises nouvelles qu'un journal télévisé pourrait nous livrer un soir de grande catastrophe. La fin du monde est-elle pour demain, comme nous le prédisent les prophètes de malheur ? Cet évangile de Marc ajouterait-il sa pierre aux discours apocalyptiques des extrémistes de tout poil ? Commentaires d'Anne Faisandier, pasteur de l'Église protestante unie de France (Epudf) à Marseille.
Évangile du dimanche 17 novembre (Mc 13, 24-32)
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Source : AELF
L’évangile de ce dimanche, extraite de l’évangile de Marc, n’échappe à la tonalité apocalyptique qui domine tout le chapitre 13. On lit ce dimanche une partie de la grande discussion entre Jésus et le cercle restreint de ses disciples - Jacques, Jean, André et Pierre - sur la fin du monde. C’est de l’attente eschatologique dont il est question ici, ainsi que de la venue du Messie. Mais pourquoi Jésus annonce-t-il des événements terribles ?
Dans cet évangile, les disciples, qui ont confiance en Jésus, le questionnent sur la fin du monde. Ils veulent savoir quels seront les signes annonciateurs de la fin des temps. Il est tout à fait envisageable qu’à cette époque, les contemporains de Jésus se soient en effet réellement posé la question de la fin des temps. En tout cas les disciples "sentent qu’on est à l’aube d’une ère nouvelle, suppose Anne Faisandier, qu’il y a quelque chose d’un ancien monde qui va disparaître."
Au tout début du chapitre 13, Jésus a annoncé la destruction du Temple de Jérusalem - "Il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit" (Mc 13, 2). Chose inimaginable pour un Juif de l’époque, la destruction du Temple, "c’est la catastrophe suprême", précise Anne Faisandier. "Comme Dieu habite dans le Temple, si on supprime le Temple on tue Dieu. Je caricature mais c’est un peu ça !" Le Temple ayant été détruit en 70 ap. J.-C. : il est possible d’imaginer que Marc ait écrit ce texte bien après. Et qu’il "ait pris cet exemple-là pour finalement prendre en compte quelque chose qui s’était effectivement passé et qui était une catastrophe énorme pour le judaïsme de l’époque."
Dans ce passage de l’évangile de Marc, Jésus et les disciples sont déjà à Jérusalem. Ils se trouvent sur le mont des Oliviers, qui est un des lieux de la Passion. "On est à la veille de la Passion, précise Anne Faisandier, le drame est en train de se nouer."
Dans les mentalités juives de l’époque, on croit que Dieu accompagne l’histoire. Par exemple, il a aidé le peuple juif à fuir hors d’Égypte et qu’il accompagné dans la traversée du désert, comme cela est raconté au Livre de l’Exode. Dans les évangiles aussi, "il y a cette idée que l’histoire a une fin et qu’à la fin des temps, la récompense entre guillemets, c’est que Dieu prendra avec lui, dans une éternité bienheureuse, tous les vivants qui auront été avec lui", résume la pasteure.
Toutefois, insiste Anne Faisandier, "aussi bien dans les évangiles que dans le judaïsme, cette figure ultime elle est lointaine, elle nous échappe. Elle n’existe que pour que nous connaissions le cap à suivre. C’est le rôle de toutes les apocalypses."
Le genre apocalyptique est un genre littéraire très particulier dans la Bible. "Apocalypse" ne veut pas dire "catastrophe" mais "dévoilement". Les textes apocalyptiques "utilisent des catégories surréalistes" pour "nous rendre attentifs au fait qu’il y a une autre dimension, qui aujourd’hui n’est pas visible pour nous, mais qui existe quand même".
Jésus reprend donc ici les éléments du genre apocalyptique dans une visée pédagogique. En un sens, il nous dit : "Ne soyez pas impressionnables", résume Anne Faisandier et "ne perdez pas votre intelligence" devant les prophètes de malheur qui manient la peur pour pouvoir gouverner les foules. Si Jésus reprend à son compte ces images apocalyptiques, c’est "pour nous dire c’est une bonne nouvelle qui est derrière".
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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