Strasbourg
À Noël, les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus. Une attitude profondément spirituelle est de laisser de la place à la nouveauté. D'être disponible pour ce qui va se passer : et ce qui va se passer ce n’est pas la même chose que l’année dernière, assure Marie-Aimée Manchon. Moniale des Fraternités monastiques de Jérusalem, elle nous aide à redonner du sens à Noël. À rechercher une pauvreté de cœur pour laisser Dieu advenir en nous.
Dans un contexte international particulièrement tendu cette année, RCF a choisi de manifester sa solidarité avec celles et ceux qui doivent quitter leur pays et tout laisser derrière eux pour trouver la paix et la sécurité. C’est pour cela que, cette année, RCF propose à ses auditeurs de vivre Noël avec la communauté Sant’Egidio.
À Noël, les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus, la venue de Dieu parmi les hommes. Mais il ne s’agit pas de commémorer un événement passé. La venue du Christ, on est invités à l’éprouver en nous-mêmes à chaque instant. Sa présence parmi nous est un mystère au cœur de la foi chrétienne, que les moines cisterciens du Moyen Âge évoquaient à partir de trois venues : la Nativité, ou la venue dans la chair ; la parousie, c’est-à-dire la venue en gloire à la fin des temps ; et la venue actuelle dans le cœur du chrétien. "Il est venu dans la chair", "Il viendra dans la gloire", "Il vient dans ton cœur" : ce sont les trois conférences que Sœur Marie-Aimée Manchon a données en 2019. Pour poursuivre cette réflexion, elle publie "Maranatha" (éd. Cerf), où elle propose trois méditations sur cette venue du Christ dont on parle tant et qui peut sembler parfois bien floue, même à un chrétien !
En ce début de XXIe siècle, on a de sérieuses raisons de s'inquiéter de ce que l'homme a fait à la terre. Pourquoi se préoccuper de la venue de Jésus, qui semble nous faire regarder ailleurs alors que l'heure est grave ? On a d'autant plus de raisons de douter que les tendances fondamentalistes qui se déploient au sein de certaines religions rendent difficile à intégrer sa venue dans nos vies. Bref, on est comme ankylosés en cette période qui précède Noël, observe Marie-Aimée Manchon.
Pourtant, elle nous l’assure, "la foi nous permet au moins d’avoir cette espérance, cette certitude même, que Dieu est de notre côté". Comme le dit Bernanos, on ne peut pas perdre la foi puisque Dieu habite notre chair, et que notre humanité est habitée de lui. "Comme dit saint Jean Damascène, Dieu s’est fait matière pour notre salut, c’est même la matière du monde."
"Je n’ai pas perdu la foi… Où elle est, je ne puis l’atteindre. Je ne la retrouve ni dans ma pauvre cervelle, incapable d’associer correctement deux idées, qui ne travaille que sur des images presque délirantes, ni dans ma sensibilité, ni même dans ma conscience. Il me semble parfois qu’elle s’est retirée, qu’elle subsiste là où certes je ne l’eusse pas cherchée, dans ma chair, dans ma misérable chair, dans mon sang et dans ma chair, ma chair périssable, mais baptisée."
Georges Bernanos, "Journal d’un curé de campagne" (1936)
"Maranatha", le titre du livre de Marie-Aimée Manchon, signifie "Viens Seigneur". Une formule que l’on retrouve à la toute fin du livre de l’Apocalypse, le texte de la Bible sur la fin des temps. C’est une belle chose de trouver à cet endroit une telle parole qui est l’expression d’un désir. À l’opposé d’une vision catastrophiste de la fin des temps, on parle de rencontre. D’ailleurs, pour évoquer l’avènement du Christ, on utilise un mot grec, la parousie, qui signifie aussi la pleine présence.
La gloire de Dieu, pour Marie-Aimée Manchon, c’est qu’on ne l’attendait pas. On ne l’attendait pas aussi haute, ni si grande ou si belle : elle plus que tout ce que l’on aurait pu imaginer. Une attitude profondément spirituelle est de laisser de la place pour la nouveauté : "C’est cela vivre. C’est aussi attendre, se rendre disponible pour ce qui va se passer. Ce qui va se passer ce n’est pas la même chose que l’année dernière."
Cette disponibilité à l’advenue en cours, "c’est ça aimer le Seigneur", pour la moniale, c'est attendre quelque chose de lui. "Aimer vraiment, c’est attendre de l’autre, dit Marie-Aimée Manchon, et si on n’attend plus rien de Dieu, alors oui peut-être que l’amour est ensommeillé..." Pendant l'Avent, on est invités à "oser attendre ce que nous nous ne pouvons pas nous donner à nous-mêmes".
Ce qui pourrait nous aider à redonner sens à la fête de Noël, c’est de considérer tout ce dont nous manquons pour arriver à contempler vraiment l’enfant dans la crèche. Frère Jean-Baptiste Porion (1899-1987) a écrit : "Dieu est visible à l’œil nu, il n’y a que la nudité qui manque." La nudité dont nous manquons c’est "cette pauvreté du cœur, cette humilité de l’âme, le fait que nous sommes trop suffisants, auto-suffisants", explique Marie-Aimée Manchon. On pense connaître Dieu, mais il vient là où on ne l’attendait pas, dans une mangeoire ! "Son entrée parmi nous, le lien, la relation qu’il va pouvoir établir avec nous, passe toujours par une étape de pauvreté", rappelle la religieuse. "Il faut être simple pour venir auprès de ceux qu’on aime", écrit-elle dans son livre.
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