Le diocèse de Coutances et Avranches a créé, fin 2021, une équipe de bientraitance. Elle est chargée de la prévention des abus, en organisant des formations sur la juste posture dans la relation avec les jeunes. Rencontre avec deux membres de cette équipe.
L’un et l’autre ont reçu très positivement la demande. Fin 2021, après la publication du rapport de la Ciase, Mgr Le Boulc’h, évêque de Coutances et Avranches, demandait à Marie-Emmanuelle Marchand et Jérôme Fouquet de rejoindre l’équipe de bientraitance qu’il venait de créer. « C’est normal qu’on prenne à cœur ce sujet, quand on sait les blessures et la souffrance que cela engendre. C’est bien d’être dans cette équipe pour faire de la prévention », explique Marie-Emmanuelle. La responsable du service jeune du diocèse travaille depuis 35 ans auprès des jeunes, que ce soit dans des centres de vacances, au foyer de l’enfance et désormais au sein du diocèse.
« De mon côté, je me suis dit que c’était une belle opportunité pour faire comprendre que la relation est essentielle dans nos vies, cela s’apprend », témoigne Jérôme Fouquet. Il faut dire qu’il maîtrise bien ce thème. Après des années dans l’entrepreneuriat, il s’est formé en philosophie, psychologie et coaching. Aujourd’hui formateur, enseignant et coach, il travaille sur la juste posture dans la relation.
Catherine Mahieu, directrice d'hôpital et d’EHPAD pendant 28 ans, également ancienne responsable du service santé pour le diocèse, ainsi que Benoît Lacroix, diacre permanent et infirmier en psychiatrie, complètent l’équipe.
Cette équipe de bienveillance est à distinguer de la cellule d’écoute mise en place dans chaque diocèse pour recueillir le témoignage de personnes victimes ou de proches. Cette équipe de bientraitance, elle, se positionne en amont, travaillant sur la prévention et la formation pour éviter les situations abusives et apprendre les gestes et postures qui font qu’une relation est équilibrée.
Pourquoi ce nom de bientraitance ? « Ce mot exprime bien ce que doit être une relation. Dans une relation, il y a deux possibilités : soit vous êtes là pour l’autre, vous allez porter le souci de l’autre et vous respectez l’autre en tant qu’une personne, donc vous le "bien-traitez", soit l’autre devient au service de moi-même pour atteindre mes propres fins. C’est là que commence la maltraitance, je ne respecte pas l’autre comme une personne, mais je l’utilise comme un moyen », explique Jérôme Fouquet.
Cette équipe s’est vu confier deux missions : celle de concevoir une plaquette qui donnera les grandes lignes de la bientraitance, avec à la fin une charte à signer, et celle d’organiser des formations de prévention pour les personnes en lien avec des mineurs et des personnes vulnérables. « Le souci de nos évêques, que ce soit Mgr Le Boulc’h ou Mgr Cador maintenant, est que cette charte ne soit pas une formalité extérieure à remplir, mais qu’elle corresponde aux besoins du diocèse, pour que tous les acteurs se l’approprient » , précise Jérôme Fouquet; d’où l’importance d’organiser des journées de formation.
Une première formation à la juste posture dans la relation a eu lieu en mai, elle était à destination des animateurs de collégiens. Les deux prochaines vont être étendues à tous les accompagnateurs, de la petite enfance jusqu’au lycée. La prochaine journée, le 28 mai 2024, est destinée aux prêtres et aux membres des équipes d’animation paroissiale, pour que ces derniers invitent à leur tour toutes les personnes concernées pour la journée du 16 novembre. « On se dit que si le curé ne se sent pas concerné, il ne va pas emmener la dame catéchiste de sa paroisse », explique Marie-Emmanuelle Marchand.
Tous les intervenants auprès des mineurs et des publics fragiles seront conviés à la journée du 16 novembre qui aura lieu à trois endroits différents simultanément : à Avranches, Saint-Lô et Cherbourg.
Quel message essentiel l’équipe de bientraitance, veut-elle transmettre dans ces formations ? « Personne n’est à l’abri d’avoir une relation mal ajustée. On est tous concernés, à un moment ou un autre, au travail, en paroisse. Il faut commencer par une prise de conscience personnelle qu’il y a des choses à changer dans la façon dont j’entre en relation avec les autres. Souvent, ce que je dois changer dépend de la relation que j’ai avec moi-même. Il y a beaucoup de choses dans la façon dont j’entre en relation avec les autres qui dépendent de l’estime que j’ai de moi-même » , répond Jérôme Fouquet.
Attention cependant à ne pas tomber dans l’excès inverse, la peur de la relation ou le soupçon continuel. « Pour cela, il faut sortir du perfectionnisme, s’autoriser l’erreur, être miséricordieux avec soi-même comme avec les autres. Il faut trouver le subtil équilibre entre la charité et la vérité. Il n’y a pas de vérité sans charité et vice-versa. Avec une charité sans vérité, on infantilise et avec une vérité sans charité, on risque de blesser, voire de tuer », poursuit le spécialiste.
Pour sortir d’un climat de suspicion, les deux intervenants conseillent l’écoute et le dialogue, en créant une atmosphère de non-jugement. En lien continuel avec les coordinateurs de jeunes du diocèse, Marie-Emmanuelle Marchand insiste sur la nécessité de disposer de temps de relecture. « L’important est de savoir qu’on est dans une bonne équipe, qu’on peut échanger, verbaliser les choses. »
En travaillant, l’équipe de bienveillance s’est aperçue qu’il manquait de temps où les animateurs du département pouvaient relire leur mission et leur manière d’interagir avec les jeunes. À tel point, que l’équipe souhaite inscrire dans la charte un engagement à demander du soutien quand on est dans une situation difficile.
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