Durant les huit jours que dure la fête juive de Hanouka, il n'est pas rare de voir des chandeliers allumés sur les places des villages ou bien dans les maisons, près des fenêtres. Quelle est la symbolique des lumières de Hanouka ?
Du 25 décembre au 2 janvier, les Juifs célèbrent la fête de Hanouka, que l'on appelle la fête juive des lumières. En cette période de l’année où les jours raccourcissent la symbolique de la lumière revient souvent dans les différentes fêtes religieuses. Mais quelle est la spécificité des lumières de Hanouka ? Quel lien avec le Temple de Jérusalem, dont la fête célèbre l’inauguration en 164 avant notre ère ? Quel est le sens spirituel de Hanouka ?
On dit que Hanouka est la fête juive des lumières. Pendant huit jours, on allume chaque soir l’une des bougies de la hanoukia, le chandelier à neuf branches. Celui-ci est traditionnellement placé près d’une fenêtre. Selon la halakha, la loi juive, et "si le temps le permet, ou si la situation publique le permet, précise Édouard Robberechts, maître de conférences en philosophie juive à l'Université d'Aix-Marseille, on peut même carrément la mettre dans la rue devant la maison".
Les bougies de Hanouka doivent être uniquement contemplées. "Elles sont saintes, explique le philosophe, elles sont là pour elles-mêmes et pas pour être utilisées à autre chose." Ce pourquoi elles sont allumées par une bougie supplémentaire, le shamash, la neuvième lumière. Les bougies de Hanouka "doivent briller pour elles-mêmes, comme si la lumière avait en elle-même son propre but, son propre sens" car "elles représentent les personnes humaines que nous sommes".
Le mot hébreu hanouka signifie "inauguration" ou "dédicace". La fête de Hanouka commémore l’inauguration du Second Temple de Jérusalem vers 164 avant notre ère. Ou plutôt la "ré-inauguration", précise Édouard Robberechts, puisque le Second Temple avait été inauguré en 516 avant notre ère.
"Le Temple est, pour la tradition juive et le peuple juif en général, tout à fait central dans la vie du peuple et dans le témoignage que le judaïsme est censé amener et porter devant l’humanité."
Le Temple est "la porte des cieux", d’après le Livre de la Genèse (28, 17), comme le dit Jacob. Dans la tradition juive, "l’ouverture à la transcendance est quelque chose que l’on n’atteint pas n’importe où, pas n’importe comment, nous dit Édouard Robberechts. Sans le Temple, le judaïsme perd la tête, nous n’avons plus de centre." Ce pourquoi les juifs disent encore aujourd’hui les trois prières quotidiennes tournés vers Jérusalem, où se trouve le Kotel, c’est-à-dire ce qui reste du mur occidental du Second Temple.
Hanouka a d’abord été "une fête nationale qui célébrait un événement de libération nationale" - avec toutefois "un appui religieux puisque c’était une fête à propos du Temple", explique Édouard Robberechts. Libération qui a permis à la dynastie judéenne des Hasmonéens, que l’on appelle aussi les Maccabées, d’être indépendante durant une centaine d’années, jusqu’à l’occupation romaine. Ce qui fait dire à Édouard Robberechts que la dimension nationale de la fête "n’a plus du tout lieu d’être aujourd’hui".
Si Hanouka est devenue une fête religieuse, c’est en raison du miracle de la fiole d’huile, dont les rabbins ont fait "le cœur de cette fête" - "un coup de génie", estime le philosophe. On dit que les fenêtres du Temple étaient comme ces ouvertures dans les murs épais des châteaux forts médiévaux, que l’on appelle des meurtrières, mais inversées : elles étaient plus larges à l’extérieur et plus étroites à l’intérieur car "la vraie lumière venait de l’intérieur". "Le Temple a vocation à éclairer le monde, donc c’est l’intériorité qui doit désormais éclairer l’extériorité du monde", analyse Édouard Robberechts.
Ainsi, les lumières de Hanouka sont placées près des fenêtres pour signifier symboliquement que "la qualité humaine de la lumière interne des familles doit finalement devenir capable de donner un sens à l’espace public". Là où, dans la pensée grecque et romaine de l'Antiquité, "on a pu croire que c’était le monde public et le sens de l’histoire, en gros la grande histoire, qui donnaient sens aux familles". Un véritable "renversement" !
Comment comprendre les rites, les fêtes qui rythment le calendrier hébraïque ? Comment lire la Bible à la lumière de la tradition juive ? Qu’apporte la lecture du Talmud ou les textes de Maïmonide à un croyant juif... ? Chaque semaine, dans un dialogue avec un fin connaisseur du monde juif, Odile Riffaud nous fait entrer dans la richesse de cette tradition religieuse qui est à la racine du christianisme et de l’islam.
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