La permanence d’Israël est une notion théologique qui ne vise pas l’État d’Israël mais l’histoire d’un peuple qui a fait alliance avec Dieu sur le mont Sinaï, après la libération d’Égypte. Cette notion est une clé pour qui veut comprendre les liens spirituels entre les juifs et les chrétiens aujourd'hui.
Aux origines du judaïsme, il y a une alliance que Dieu a faite avec le peuple hébreu. Qu’est devenue cette alliance après Jésus ? Cette question, ce sont évidemment les chrétiens qui l’ont posée. Certaines réponses ont eu des conséquences tragiques, elles ont donné lieu à des siècles d'antijudaïsme. Et aujourd’hui, au XXIe siècle, alors que l’Église catholique valorise le dialogue avec les juifs, quel regard porte-t-elle sur l’alliance de Dieu avec le peuple d’Israël ?
Cette question renvoie à la notion théologique de la permanence d'Israël. La Conférence des évêques de France lui a consacré un Document Épiscopat en février 2024. Et le Père Alexandre Comte, prêtre du diocèse de Paris, vicaire à la paroisse Saint-Paul-Saint-Louis et bibliste, donne une série de cours sur cette notion au Collège des Bernardins. Il nous montre en quoi c'est une clé pour qui veut comprendre les liens spirituels entre les juifs et les chrétiens aujourd'hui.
La permanence d’Israël, "c’est une expression théologique et non pas politique". Si, comme le dit le père Alexandre Comte, "elle vise le peuple d’Israël", on ne parle pas ici de l’État d’Israël mais du peuple qui a noué une alliance avec Dieu. Cette alliance, on peut la comprendre comme "une relation étroite", décrit le bibliste, "une relation d’amour". "Dieu se fait connaître de façon très étroite pour que le peuple qui apprend à connaître Dieu puisse l’aimer."
La notion théologique de la permanence d’Israël "rend compte d’un fait, décrit Alexandre Comte, c’est qu’une fois que Jésus est venu, le peuple d’Israël subsiste, il continue son histoire. Une partie du peuple a reconnu en Jésus le Messie - ce sont les chrétiens, les premiers chrétiens qui sont tous juifs. Et puis une partie du peuple d’Israël ne le reconnaît pas et son histoire continue dans une fidélité à l’alliance avec Dieu à la loi de Moïse."
En avançant dans l’histoire, à partir du moment où les chrétiens non juifs deviennent majoritaires, il est plus difficile pour les chrétiens de reconnaître ce lien vital avec le peuple d’Israël
C’est au cours du IIe siècle ap. J.-C. que les chrétiens ont questionné l’alliance passée avec Dieu sur le mont Sinaï. Selon certaines interprétations la venue de Jésus était le signe d’une nouvelle alliance qui rendait caduque celle passée avec le peuple de Moïse. C’est, brièvement résumé, ce que l’on appelle la théorie de la substitution, qui a donné lieu à des siècles d’antijudaïsme.
"Il faut bien le répéter, insiste le Père Comte, au tout début de l’histoire de l’Église il n’y a que des juifs, l’Église naît du judaïsme, il n’y a que des juifs dans l’Église." Et puis, progressivement, de plus en plus de païens se tournent vers le christianisme, jusqu’à devenir, au cours du IIè siècle, majoritaires parmi les chrétiens. Dès lors, "il est difficile pour ces chrétiens de comprendre que Dieu reste fidèle à son peuple qu’il a choisi", explique le bibliste.
Ainsi, Marcion, théologien du IIe siècle, "considère que l’Ancien Testament n’a rien à voir avec le Nouveau Testament... Il veut supprimer de la vie chrétienne tout l’Ancien testament, toute l’histoire de Dieu avec le peuple d’Israël". Défini comme hérésie, le marcionisme est rapidement rejeté par l’Église. Mais cela montre combien "en avançant dans l’histoire, à partir du moment où les chrétiens non juifs deviennent majoritaires, il est plus difficile pour les chrétiens de reconnaître ce lien vital avec le peuple d’Israël", commente le Père Comte.
Dans les relations entre juifs et catholiques, il y a un tournant essentiel avec Vatican II. La déclaration Nostra Aetate de 1965 établit "un lien spirituel essentiel" entre l’Église catholique et la lignée d’Israël. C’est la première fois dans son histoire que l’Église déclare "de façon solennelle que son identité est liée spirituellement à la lignée d’Abraham c’est-à-dire au peuple d’Israël".
50 ans après Vatican II, le Vatican a publié une nouvelle déclaration "Les dons et appels de Dieu sont irrévocables". Une s’agit d’une réflexion théologique sur les rapports entre catholiques et juifs, publiée le 10 décembre 2015 par la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme. L’Église catholique déclare solennellement, que "le but n’est pas de vouloir convertir les juifs, résume le Père Comte, pour une raison simple mais qui est si importante, c’est que les Juifs connaissent le vrai Dieu. Ils connaissent le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob que Jésus vient faire connaître en plénitude."
Aujourd’hui les catholiques considèrent que l’alliance passée par Dieu avec Moïse sur le mont Sinaï est à la fois "renouvelée" et "accomplie en Jésus", explique le Père Comte. "C'est une seule et même alliance." Il y a là un mystère à considérer avec le regard du croyant, c’est-à-dire confiant devant ce Dieu qui fait alliance avec l’humanité.
Les catholiques considèrent qu’il est "vital" pour un chrétien d’être relié aux juifs. "Pour un chrétien cette relation est vitale, il n’y a pas de christianisme sans le peuple d’Israël", insiste le bibliste. "L’existence du christianisme n’est pas vitale pour la foi juive. Mais il y a un dialogue respectueux, fraternel, qui se développe de façon différente en fonction des partenaires juifs, parce que le monde juif est pluriel."
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