Dimanche 5 mai 2024, les chrétiens orthodoxes célèbreront la Résurrection du Christ. Si toutes les églises orthodoxes organisent des messes et des processions à cette occasion, le point culminant de cette fête religieuse a lieu la veille, lors du Samedi saint, au Saint-Sépulcre à Jérusalem. C’est là qu’a lieu chaque année à Pâques, la spectaculaire cérémonie du Feu sacré, aussi appelé Saint Feu ou Sainte lumière.
C’est sans doute le moment le plus impressionnant et le plus mystérieux de la Pâques orthodoxe : la cérémonie du Feu sacré au Saint-Sépulcre à Jérusalem. Depuis deux millénaires, une flamme s'allume de façon inexpliquée tous les ans, à l'occasion du Samedi saint de la Pâques orthodoxe. Autour de la petite chapelle construite à l’endroit où Jésus a été enseveli, des milliers de personnes se massent, munies de cierges enflammés. Une image impressionnante, qui l’est autant que l’allumage surnaturel de la flamme.
Au fil des siècles, plusieurs récits ont raconté cet évènement mystérieux. Le premier d’entre eux remonte au IVe siècle et a été écrit par l’historien Eusèbe de Césarée, qui affirme que le feu est survenu pour la première fois à cet endroit, lors de Pâques, en l’an 162 (soit bien avant la construction du Saint-Sépulcre en 326). Il écrit : "lorsque les gardiens de l’église étaient sur le point de remplir les lampes pour les préparer à célébrer la résurrection du Christ, ils ont soudainement remarqué qu’il ne restait plus d’huile dans les lampes. Ils ont alors prié et une flamme est apparue spontanément dans le tombeau du Christ".
Depuis cette date, le Feu sacré réapparaît chaque année, à la même période, c’est-à-dire la veille de Pâques, entre 13h et 15h (heure de Jérusalem). Plusieurs historiens et membres du clergé ont témoigné de ce phénomène. C’est notamment le cas du pape Urbain II qui déclare en 1095 : "en vérité, dans ce Temple, Dieu repose; jusqu'à présent, Il ne cesse d'y manifester des miracles car, aux jours de sa Passion, alors que toutes les lumières sont éteintes au-dessus de sa tombe et dans l'église, soudain, les lampadas éteintes se rallument. Quel cœur, si endurci soit-il, ne s'attendrirait pas devant une telle manifestation !"
En 947, un membre du clergé byzantin évoque le fait que seules certaines personnes peuvent le recevoir, sous-entendant des conflits et des rivalités pour recevoir ce Saint Feu. Il ne pensait pas si bien dire, puisqu’un conflit survint en 1101, au moment de la prise du Saint-Sépulcre par les Croisés. Le nouveau patriarche de Jérusalem, Daimbert de Pise, tenta alors de recevoir le Saint feu mais celui-ci ne descendit pas. Face au fiasco, le Saint-Sépulcre fut de nouveau confié au clergé grec.
Avant que cette flamme ne s’allume mystérieusement le Samedi saint, le Saint-Sépulcre est plongé dans la pénombre, en pleine journée. Toutes les bougies et lampes sont éteintes. Cela fait partie de la procédure pour s’assurer qu’aucune source incandescente n’est présente dans la chapelle et autour.
Les représentants de la mairie de Jérusalem, les gardes turcs et la police israélienne procèdent à ces contrôles stricts et scellent l’entrée du tombeau avec un grand sceau de cire. Avant d’entrer dedans, le patriarche est lui-même fouillé et retire ses habits liturgiques pour prouver qu’il ne porte pas de briquet ou d’allumette sur lui.
Une fois dans l’antre, au plus près de là où Jésus aurait été enseveli, le Patriarche prie pendant de longues minutes ou heures. Les milliers de croyants amassés autour du tombeau retiennent leur respiration et chantent des Kyrie Eleison avec ferveur. Certains racontent que des éclairs bleuâtres frappent tout le temple et qu’ils cessent au moment où la Sainte Lumière surgit de façon surnaturelle. Les premières minutes, cette flamme est décrite comme dansante et évanescente avant de se stabiliser en une flamme ordinaire.
Avant même que le patriarche ne ressorte de la chapelle, il transmet le feu sacré aux prêtres par les fenêtres. Ces derniers s’empressent de la répandre autour d’eux, rapidement les torches s’enflamment et une grande liesse s’empare du Saint-Sépulcre. Certains pèlerins courageux et confiants se passent le visage et les mains sur la flamme, dont on dit qu’elle ne brûle pas. À l’extérieur, les habitants sont prévenus du miracle qui vient de se produire grâce aux cloches qui sonnent à tue-tête.
Aussitôt le miracle survenu, la flamme s’exporte. En effet, elle est transmise à tous les pays orthodoxes du monde grâce à des avions affrétés spécialement. La première commune à recevoir le Saint Feu est grecque. Une fois là-bas, les croyants se transmettent la flamme sur des cierges, appelés lambadas, qu’ils ont ornées de symboles religieux et chacun tente de garder cette bougie allumée pendant au moins quarante jours, jusqu’à l’Ascension.
Évidemment ce miracle, qui est considéré comme l’un des plus anciens du christianisme, a longtemps été contesté. Certains, comme le pape Grégoire IX en 1238, ont accusé (et accusent encore) les religieux orthodoxes de "falsification et d’escroquerie". Et ce, malgré les précautions qui sont prises avec les fouilles et les contrôles auparavant.
Depuis de nombreuses expériences scientifiques ont été menées pour trouver une explication rationnelle à ce phénomène, sans qu'une hypothèse commune ne ressorte. Dans les années 2000, la Commission de description des évènements miraculeux de l’Église orthodoxe russe a entrepris à son tour un programme d’étude de cet évènement. Il en a conclu qu’il s’agit d’un "véritable miracle" qui ne peut se "produire qu’à la suite d’une décharge électrique". Le mystère plane toujours.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !