L'Église catholique n'est-elle qu'une institution ou désigne-t-elle l'ensemble des baptisés ? Cette question traverse en quelque sorte le synode sur l'avenir de l'Église. En se penchant sur le rôle et la place des laïcs, les pères et les mères synodaux interrogent ce qu'est l'Église de Rome et quels sont ses liens avec le monde. Ce que, finalement, au cours de son histoire, elle a toujours fait...
Du 4 au 29 octobre, l’Église catholique réfléchit sur elle-même et son avenir. Plus de 360 pères et mères synodaux sont réunis à Rome pour discuter et formuler des propositions - à charge pour le pape François d’en tirer des conclusions. Ce synode sur la synodalité fait naître des espoirs dans une Église catholique que l’on dit en crise. Mais pour d’autres, il suscite des craintes : l’institution pourrait sortir affaiblie si l’on accorde par exemple une trop grande place aux laïcs dans sa gouvernance… En débattre, et aborder bien d'autres sujets de société, c’est une façon pour l’institution de questionner son rapport au monde... ce qu'elle a toujours fait. Explications du théologien Frère Gonzague de Longcamp.
Du mercredi 4 octobre jusqu’au dimanche 29 octobre, 365 pères et mères synodaux se retrouvent au Vatican pour la première session du synode sur l’avenir de l’Église catholique, aussi appelé "synode sur la synodalité".
Religieux de la communauté Saint-Jean, le théologien Frère Gonzague de Longcamp se passionne pour l’Église catholique, son histoire et son identité. Et ce, malgré les crises comme celle provoquée par les multiples révélations d’abus et agressions sexuelles. Une crise qui en détourne plus d’un de la pratique religieuse. Pour Frère Gonzague au contraire, cette crise l’incite à se pencher plus encore sur une réalité complexe.
Car l'Église a connu bien des crises. "C’est justement ça, estime le théologien, qui nous permet de prendre au sérieux les difficultés actuelles sans se laisser écraser…" D’ailleurs, lors de la crise de l’arianisme, au IVe siècle, "on dit que 80% des évêques étaient ariens, pourtant l’Église elle est toujours là !" ("L’arianisme, c’est une négation de l’égalité entre le Père et le Fils.")
L’Église catholique, il faut "la comprendre mieux pour l’aimer plus", selon Frère Gonzague. "J’ai grandi en elle, j’ai grandi avec elle, explique-t-il, j’ai grandi en voyant ses limites, j’ai grandi en étant accompagné par des prêtres, par des laïcs, par des personnes qui ont marqué ma vie chrétienne…" Une Église faite de prêtres et de laïcs : voilà une donnée évidente mais qui est déjà un élément de complexité. L’Église catholique se limite-t-elle aux seuls clercs ou au peuple des baptisés ? Peut-on détacher l’institution de la communauté ? Pour Frère Gonzague, "il faut toujours avoir trois ou quatre paires de lunettes pour arriver à comprendre l’Église..."
À chaque tournant culturel, l’Église a dû réfléchir sur elle-même et sur son rapport aux autres
En 2000 ans, "à chaque tournant culturel, l’Église a dû réfléchir sur elle-même et sur son rapport aux autres", rappelle Frère Gonzague. Dès les Actes des apôtres, au chapitre 15, on lit que lors du concile de Jérusalem, il a fallu répondre à la question : "Comment est-ce qu’on fait cohabiter des chrétiens qui viennent du judaïsme et des chrétiens qui sont en dehors du judaïsme ?", résume le théologien.
Plus tard les découvertes archéologiques du XIXe siècle ont permis un formidable développement et un renouveau de l’exégèse biblique, c’est-à-dire de l’interprétation des textes. Quant à "l’autoréflexivité", c’est-à-dire la conception que l’Église catholique a d’elle-même, elle est "une richesse" et un apport "essentiel" des XXe et XXIe siècles, estime Frère Gonzague.
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Dans le Premier testament, on parle de la "qahal Israël" - soit de "l’assemblée d’Israël" - dans le Livre de l’Exode, au moment où "on prépare la sortie d’Égypte, la première pâque". Or, l’Église "naît de la mort et de la résurrection de Jésus". Dans la pensée chrétienne, il y a donc "une continuité du projet de Dieu de cette première assemblée d’Israël jusqu’à l’assemblée qu’est l’Église".
C’est "l’événement du Christ", qui "fait naître" une "communauté de salut", souligne Frère Gonzague. "Et l’événement du Christ qui envoie les apôtres, ça c’est le point de départ de l’Église telle qu’on la connaît." Au départ, des petites communautés chrétiennes qui se sont formées à Rome, à Corinthe et en Asie mineure. Des communautés que l’apôtre Paul a essayé d’harmoniser. En lisant ses lettres, on voit bien que "les communautés prennent conscience d’elles-mêmes quand elles partagent ensemble la Parole, quand elles partagent ensemble des problématiques, quand elles essaient de comprendre ensemble le projet de Dieu". Ce qui fait dire à Frère Gonzague que lorsqu’on parle au XXIe siècle de synodalité, "on n’a rien inventé !"
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