Les yeux sont rivés vers Rome, où s’est ouvert mercredi 4 octobre le synode sur l’avenir de l’Église catholique. Un moment jugé historique selon certains. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à des décisions fracassantes à l'issue de la première session. Pour le moment, on s'interroge sur le ton des échanges, vu l'aspect clivant de certains sujets à l'ordre du jour - comme l'ordination d'hommes mariés, l'ouverture du diaconat aux femmes ou la bénédiction des couples de même sexe... François parviendra-t-il à "désamorcer" une "guerre des clans" et à instaurer un véritable "temps d'enracinement spirituel" ?
Quelle peut être la place des laïcs dans la gouvernance de l’Église ? Faut-il ouvrir le diaconat aux femmes ? Peut-on ordonner prêtres des hommes mariés ? Pourra-t-on bénir des unions entre personnes de même sexe ? Ces questions et bien d'autres sont débattues pendant un mois au cœur du Vatican, lors du synode sur l'avenir de l'Église. Des questions clivantes, mais auxquelles le pape n’attend pas des pères et des mères synodaux qu'ils répondent par "oui" ou "non". Ce qu'il veut, c'est une rencontre spirituelle et non des débats d'ordre politique. Pour autant, à la veille de ce grand rassemblement, les oppositions se font entendre. Entre "arène politique" et retraite spirituelle, quel sera le ton des échanges ? Le pape parviendra-t-il à "désamorcer" une "guerre des clans" et à instaurer un véritable "temps d'enracinement spirituel" ?
Le synode en bref
Du mercredi 4 octobre jusqu’au dimanche 29 octobre, 365 pères et mères synodaux vont se retrouver dans la salle Paul-VI au Vatican, pour une première session du synode sur l’avenir de l’Église, aussi appelé "synode sur la synodalité". L’acte II aura lieu dans un an en octobre 2024.
Parmi les participants, 96 ne sont pas évêques et 54 sont des femmes, dotées d’un droit de vote. Sept Français y participent : Anne Ferrand, laïque consacrée, Sœur Nathalie Becquart, sous-secrétaire du Synode, mais aussi Mgr Alexandre Joly, évêque de Troyes, Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque de Grenoble-Vienne, Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, Mgr Benoît Bertrand, évêque de Mende et le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille.
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Ce lundi 2 octobre, le Vatican a rendu publique la réponse du pape François (datée du 11 juillet 2023) aux cinq cardinaux qui avaient émis des dubia - "doutes" en latin - une façon très vaticane de signifier officiellement un désaccord. Cinq cardinaux de sensibilité conservatrice, dont Robert Sarah, Joseph Zen ou Raymond Burke, avaient exprimé, le 10 juillet dernier, des inquiétudes au sujet du synode et des thèmes qui seront abordés – recensés dans l’Instrumentum laboris. Ils ont donc adressé cinq questions au pape, portant sur la révélation divine, la synodalité, la bénédiction des couples de même sexe, l’ordination des femmes ou encore la confession.
À ces dubia, François a répondu point par point. Il a invité à la prudence pastorale, notamment en ce qui concerne l’accueil des couples de même sexe au sein de l’Église. Mais sa réponse n’a pas satisfait les cinq cardinaux qui lui ont répondu, le 21 août dernier. "Nous vous soumettons donc à nouveau nos questions, afin que vous puissiez y répondre simplement par « oui » ou par « non »", ont-ils écrit au pape. Réponse à ce jour sans retour, semble-t-il, de la part du souverain pontife.
À la veille du synode, un congrès a été organisé à Rome, ce mardi 3 octobre, sur le thème : "La Babel synodale". Parmi les intervenants, le cardinal Burke, "la voix la plus dure" des opposants au pape, selon le journaliste Cyprien Viet, de l’agence I.Media. Ancien préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique, Raymond Burke a été "progressivement écarté de ses fonctions", rappelle le vaticaniste. Il est de ceux qui avaient déjà émis des dubia lors des synodes précédents, sur la famille ou l’Amazonie. Il a exprimé nettement son opposition au synode dans un essai, "Le Processus synodal. Une boîte de Pandore", publié le 22 août aux États-Unis par le lobby Tradition, famille et propriété (TFP).
La peur est le moteur de la crispation. Une crispation qui va nous conduire à des paroles tendues, dures
Dans ce contexte, comment éviter la "bataille idéologique" ? Pour le vaticaniste Cyprien Viet, c’est "déjà une question d’atmosphère"… Avant le synode, du 30 septembre au 3 octobre, les participants ont effectué une retraite spirituelle à quelques kilomètres de Rome. Trois jours de prière et de méditation ont donc précédé les débats : une façon pour le pape de donner le ton des échanges. "Le pape François a vraiment insisté sur cette dimension spirituelle du synode", rappelle Cyprien Viet, il veut que ce soit un "temps d'enracinement spirituel". Les membres de l’assemblée plénière seront également invités à effectuer un pèlerinage, jeudi 12 octobre, aux catacombes de Saint-Sébastien et à ceux de Saint-Calixte. Une marche dans Rome pour "réfléchir sur l'expérience spirituelle du synode", explique-t-on au Vatican.
Appuyer la dimension spirituelle suffira-t-il pour "désamorcer" une "guerre des clans", selon les termes de la théologienne Isabelle Morel ? C’est toute la question, d’autant que plusieurs cardinaux ont fait entendre les peurs que suscite chez eux ce synode. Peur d'une certaine confusion, d'un manque de rigueur vis-à-vis de la doctrine... On trouve en quelque sorte dans le modèle synodal allemand un condensé de tout ce qui effraie les conservateurs. Or, "la peur est le moteur de la crispation, observe Isabelle Morel, une crispation qui va nous conduire à des paroles tendues, dures." Ce que la théologienne a pu constater à Prague, en février 2023, lors de l’assemblée continentale européenne. Pour la co-auteure du "Petit manuel de synodalité" (éd. Salvator, 2021), "s’écouter" permet justement de "dépasser" les tensions.
On est un peu dans la même ambiance que lors du synode sur la famille de 2014 et 2105
Les opposants au synode n’expriment en soi rien de bien nouveau. Les "clivages restent un peu les mêmes depuis 10 ans [soit depuis l'élection du pape François, ndlr]", résume Cyprien Viet, qui compare l'ambiance actuelle à celle qui entourait le synode sur la famille (en 2014 et 2015). Reste que le pape compte bien faire entendre la diversité des voix.
Ce samedi 30 septembre, lors du consistoire où il a créé 21 nouveaux cardinaux, François a comparé l’Église catholique à "un orchestre symphonique" qui a pour "maître l’Esprit Saint", lui-même créateur de "la variété" mais "dans l’unité". Le souverain pontife a ainsi nommé lui-même Gerhard Ludwig Müller membre du synode. Ce cardinal allemand figure parmi ceux qui lui sont le plus "opposés". Pour Cyprien Viet, c’est une façon de "faire entendre la voix d’un évêque conservateur éclairé" au synode.
D'un autre côté, certains gardent l'espoir que le chemin synodal allemand sera utile à Rome, que "ce processus d’écoute mutuelle accouche quand même de quelques décisions", rapporte la journaliste Delphine Nerbollier, correspondante pour La Croix outre-Rhin. La démarche entamée en 2020 par l'Église catholique du pays, toujours en cours aujourd'hui, suscite l'inquiétude dans l'entourage du pape, où l’on craint un schisme. Il n'y aura d'ailleurs pas de groupe de travail allemand au synode. Comme l’explique Cyprien Viet, les évêques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse seront répartis dans les différents groupes. "Est-ce que c’est une façon de partager leur expérience ou de diluer un petit peu cette charge explosive du synode allemand ? La question peut être posée, selon le vaticaniste. En tout cas il est clair que le synode allemand a suscité un certain malaise..."
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