30 avril 2024
La recherche du bonheur nous condamne-t-elle à l'insatisfaction ?
La recherche du bonheur nous condamne-t-elle à l'insatisfaction ?
La recherche du bonheur est ce qui donne sens à nos pensées et à nos actes. En
effet, lorsqu'on s'interroge sur le sens de la vie, une idée vient à l'esprit : le bonheur, bien ultime, souverain Bien, désirable absolu. Mais nous ne désirons pas tous les mêmes choses et les moyens pour parvenir au bonheur dépendent de nous ?de nos efforts? mais aussi du hasard qui peut ou non appuyer nos desseins.
Ce que nous visons, sans le savoir, quand nous recherchons le bonheur, ne nouscondamne-t-il pas à l’insatisfaction ? Comme l'observe Sénèque dans le préambule de De la vie heureuse, nous ne sommes pas heureux en général non faute de désirer mais parce que nous ne savons pas ce que nous recherchons.
1) Tout d'abord, en recherchant un bonheur illusoire, nous laissons échapper
le bonheur présent et vivons dans l'avenir. La poursuite de biens apparents, c'est- à-dire de ce que l'on considère habituellement comme pouvant rendre heureux, comme la richesse, les honneurs, le pouvoir, le prestige ?moteur des actions humaines si l'on en croit N. Elias? nous laisse insatisfaits ; un désir satisfait en fait naître d'autres et une fois obtenu ce que nous convoitons, « nous risquons au pire l'ennui, au mieux de vouloir autre chose ». C’est ce que soulignait
Schopenhauer : quand l'objet manque nous en souffrons et faisons tout pour l'avoir et, quand il est là, nous regrettons le temps où sa recherche animait l'existence,
20 car désirer « tient en mouvement ». Dans cette poursuite de biens vains, nous ne vivons pas l'instant et connaissons l'insatisfaction, nous sommes esclaves de fins dont nous ne maîtrisons pas la réalisation
2) Quel bonheur rechercher pour éviter l'insatisfaction ? En nous détachant des biens illusoires, nous pourrions rechercher le bonheur véritable en centrant notre volonté sur ce qui dépend de nous. C'est la solution préconisée par la philosophie stoïcienne qui se propose de définir la vie bonne, la vie heureuse en acceptant rationnellement ce qui arrive. Mais un tel état ?celui du sage? qui parvient à demeurer en paix avec lui-même, habite rarement nos semblables portés à rechercher des biens apparents plutôt qu'à tendre vers un idéal de sagesse.
Cette recherche d'un bonheur idéal nous asservit en nous rendant prisonniers de cet idéal de nous-mêmes, que nous nous fixons
sans l'atteindre et qui nous laisse insatisfaits.
Si nous sommes en quête du bonheur, c'est parce que nous sommes
souvent soumis au malheur. N'est-il pas alors indispensable de comprendre ce qui fonde le malheur afin d'éviter la déception ?
Contrairement à ce que nous croyons,
observe Spinoza, nous ne sommes pas la seule cause de nos actes et ne disposons pas d'une connaissance complète de ce qui nous détermine. C'est donc l'ignorance qui nous rend malheureux et dépendants de bien vains comme d'un bonheur idéal inaccessible.
b) C'est en comprenant ce qui nous détermine, c'est-à-dire les mécanismes qui nous font vivre certaines expériences, insiste Spinoza, que nous pouvons les transformer et passer de la tristesse à la joie. Ainsi, le journaliste Antoine Leiris, auteur de l’ouvrage Vous n'aurez pas ma haine a compris que la tristesse consécutive au décès de sa femme, tuée au Bataclan, avait d'abord pour cause son amour pour elle et non les terroristes.
En interprétant de la sorte les événements d'une façon qui nous aide à vivre et non qui accroît notre tristesse, nous retrouvons
la joie. Nous nous concentrons alors sur notre force de vivre pour y trouver de quoi nous réjouir et nous émerveiller. Comprendre nos émotions permet de cheminer dans la joie de la connaissance rationnelle.
Droits image: Chronique psychologie