7 avril 2023
Entrons dans la grâce des jours saints
Tous les chrétiens qui prennent leur foi au sérieux sont bien convaincus que la Semaine sainte est porteuse d’une grâce particulière. Je l’ai senti cette année encore lorsque nous avons vécu la liturgie des Rameaux avec tous les mouvements scouts du diocèse, à Notre-Dame de la Trinité. Il est très impressionnant de voir à quel point les rites liturgiques, lorsqu’ils sont déployés avec soin, prennent tout leur sens et sont compris par tous, des plus petits jusqu’aux plus grands. En présence de ces enfants et des ces adolescents, on revivait la parole de Jésus : « si les disciples se taisent, les pierres crieront ! » Personne ne peut faire taire les enfants de Dieu, et les pierres elles-mêmes, c’est-à-dire tout l’univers, s’associe à leur acclamation.
Puis, après la vision magnifique de l’Église irradiée d’Esprit Saint que nous offre la messe chrismale, arrive le Jeudi Saint. En instituant l’eucharistie dès avant la Passion, Jésus devrait logiquement prononcer ses paroles au futur : « ceci est mon Corps qui va être livré pour vous ; ceci est mon Sang qui va être versé pour vous. » Or, il ne dit pas cela : il parle au présent, non pas le présent de sa passion qui est encore devant lui, mais le présent de sa décision. C’est dès cet instant, dans la chambre haute du Cénacle, qu’il se détermine de façon irrévocable à livrer son Corps et à verser son Sang : « ma vie, personne ne la prend, mais c’est moi qui la donne. » Même l’effroi de Gethsémani n’aura pas raison de cette résolution.
Ce qui suit, l’arrestation et le Vendredi Saint, n’est donc pas un triste accident, et pas davantage le seul fait des ennemis de Jésus. Si leur liberté se fourvoie dans l’injustice de sa condamnation, c’est d’abord la liberté de Jésus qui conduit les événements. Derrière la passivité apparente de l’Agneau qu’on mène à l’abattoir, il y a la folie de l’amour. C’est ce que nous révèle la grande prophétie d’Isaïe qui sert de première lecture le Vendredi Saint : le Serviteur paraît totalement passif, comme l’indique le mot « passion », mais « s’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours. » Voilà qu’on nous annonce qu’il « prolongera ses jours » après nous avoir dit qu’il avait été conduit à la mort ! Déjà commence à briller la lumière de la résurrection.
Et qu’elle est belle, cette lumière, quand s’embrase le feu nouveau et qu’on y allume le cierge ! Miracle de Pâques si bien signifié par la liturgie : tout à coup, la croix est devenue le cierge. La croix était plantée dans le temps, mais le cierge défie le temps : chaque année, il se revêt d’un nouveau millésime ! Derrière la croix il y avait le tombeau, mais au-dessus du cierge brille la lumière. Elle entre dans l’église, sombre comme un tombeau, et voilà que des lumières s’allument par dizaines, par centaines, illuminant la nuit. Lumière des croyants qui escortent le cierge, lumières qui bientôt seront remises aux nouveaux baptisés, passés à travers l’eau pour renaître de l’Esprit ! Oui, qu’il est grand, le mystère de la foi ; qu’il est beau, le mystère de Pâques ; qu’elle est désirable, cette Vie éternelle qui jamais plus ne sera vaincue et dont nous faisons déjà partie ! Dans un monde de ténèbres, la lumière a brillé. Jamais plus elle ne s’éteindra.
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