Quel malheur pour vous, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que vos pères les ont tués. Quel malheur pour vous, docteurs de la Loi, parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance ; vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés.
Le mot qui est traduit ici par "quel malheur" signifie "hélas", "quel dommage", "que c'est triste". C'est le même mot qui est employé par l'évangéliste pour les Béatitudes : Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous…. Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation (Lc 6, 24). C'est aussi le même mot qui est employé par Jésus pour déplorer l'attitude des villes qui n'ont pas accueilli sa parole : Malheureuse es-tu, Corazine ! Malheureuse es-tu, Bethsaïde ! (Lc 10, 13). Devant Jérusalem, la ville des docteurs de la Loi, il pleurera même de tristesse : Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! (Lc 19, 41).
Quelle que soit la gravité des faits reprochés par Jésus, ses paroles ne sont pas une condamnation, et encore moins une malédiction. Jésus ne condamne personne, il ne maudit personne. La parole de Jésus est toujours amour et vérité, elle ne peut être que justice et paix (Ps 84, 11).
Nous avons lu le début de ce passage hier. Nous y avons entendu que Jésus s'adresse ici à un docteur de la Loi qui lui a dit : Maître, en parlant ainsi, c’est nous aussi que tu insultes (Lc 11, 45). Cette parole est violente, c'est une agression directe contre la personne de Jésus. Mais Jésus ne répond pas à la violence par la violence. Cet homme à dit "Tu" à Jésus, mais Jésus répond en disant "Vous". Cet homme a attaqué Jésus en tant que personne, mais Jésus répond sur le fonctionnement collectif des docteurs de la Loi.
Vous bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que vos pères les ont tués. Un "prophète" dans la Bible, c'est une personne envoyée par Dieu pour parler en son nom à son peuple. C'est aussi le sens du mot "apôtre" qui signifie "envoyé". Il n'y a pas de différence entre les prophètes d'hier et ceux d'aujourd'hui. Tous portent la même parole, la parole du Seigneur lui-même. Cette parole invite à la conversion, ici et maintenant, comme Jésus le disait à l'homme riche ce dimanche : Va, vends ce que tu as… Puis viens et suis-moi (Mac 10, 21). Un tombeau est un lieu de mort, froid, figé, fermé. Au contraire, l'invitation à la conversion est une parole vivante, chaleureuse, ajustée, pleine de promesses. Collectivement, les docteurs de la Loi n'ont pas reçu la parole vivante des prophètes. Il en ont fait un objet mort.
Vous avez enlevé la clé de la connaissance ; vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés. Les docteurs de la Loi ont consacré leur vie à étudier la loi du Seigneur, à comprendre ses commandements. Le mot employé pour parler de la connaissance est le mot employé à propos de Jean-Baptiste : tu seras appelé prophète du Très-Haut… pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés (Luc 1, 77). Pour Jésus, la connaissance de la Loi n'a d'autre but que permettre au peuple de connaître le salut. Collectivement, les docteurs de la Loi se sont approprié cette connaissance, il en ont fait un objet personnel d'étude et de pouvoir au lieu d'une parole vivante et agissante au service du peuple.
Le texte ne nous dit pas ce que le docteur de la Loi a répondu à Jésus. Ce dimanche, nous avons entendu que Jésus a posé son regard sur l'homme riche et qu'il l'a aimé jusque dans son incapacité à donner tout ce qu'il a pour suivre Jésus. Il me plaît d'imaginer que Jésus a de la même manière posé son regard sur ce docteur de la Loi et qu'il l'a aimé. Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d'âge en âge (Ps 99, 5).
e Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d'âge en âge (Ps 99, 5).