Une instance indépendante de reconnaissance et de réparation, un fond d'indemnisation des victimes financé par la vente de biens de l’Eglise, l'appel d'une mission vaticane d'évaluation des mesures, mais aussi la constitution de groupes de travail avec des laïcs… Ce sont les quatre grandes mesures annoncées par les évêques à l'issue de leur assemblée plénière largement consacrée à la réception du rapport de la CIASE et à la lutte contre la pédocriminalité dans l'église. Entretien avec Mgr Olivier Leborgne, l'évêque d'Arras et vice-président de la conférence des évêques de France au micro d'Etienne Pépin.
Lundi 8 novembre dernier, les évêques de France annonçaient au cours d'une conférence de presse, donnée à l'issue de leur assemblée plénière d'automne, les résolutions votées au cours de la semaine passée, suite à la publication du rapport de la CIASE, et à ses 45 préconisations. Des mesures qui font office de véritable tournant pour Mgr Olivier Leborgne, vice-président de la Conférence des Evêques de France.
"Je crois qu’il y aura un avant et un après, parce que nous avons reconnu publiquement notre responsabilité institutionnelle et nous sommes engagés dans une voie de justice restaurative. Dans un travail commun nous sommes arrivés à des décisions qui nous paraissent vraiment porteuses d’espérance pour mieux accueillir les victimes, prendre soin d’elles et construire le plus possible une maison sûre" explique-t-il au micro de RCF.
Ce dernier est également revenu sur ce désir de transparence et de dialogue avec les victimes. D'après le rapport de la CIASE, elles sont au nombre de plus de 300.000. "Nous désirons qu’aucune victime qui se manifeste ne reste sur le bas-côté et nous espérons qu’elles se manifesteront. Malheureusement, elles ne se manifestent pas toutes" a ainsi ajouté l'évêque d'Amiens
Il est en outre revenu sur l'une des principales mesures annoncées par l'épiscopat, à savoir la vente de biens mobiliers et immobiliers de l'Eglise en vue de la réparation financière des victimes. "Pour abonder le fonds nous avons pris la décision de puiser sur les réserves de sécurité. Ce ne sera pas du tout le denier de l’église ou l’argent des quêtes ou l’argent des offrandes. Ce sera essentiellement l’immobilier et tous les diocèses s’y engagent. Sachant que nous avons aussi décidé la possibilité de contracter un emprunt pour agir très vite".
S'agissant de la création d'une nouvelle instance nationale indépendante dont le but est d'organiser la réparation des victimes, et l'appel des évêques à faire suivre la mission de cette instance, dirigée par Marie Derain de Vaucresson, Mgr Leborgne estime normal la demande des évêques d'un suivi de la part du Vatican. "Nous avons reçu notre mission du pape, c’est lui qui nous l’a confiée. Nous lui demandons de venir voir comment nous la faisons de venir l’évaluer. Et si nous la faisons contrairement à ce que demande l’Eglise, nous prendrons les mesures qui s’imposent" a-t-il notamment lancé sur RCF.
Ajoutant: "on se dispose à un regard extérieur. On a créé un groupe de travail qui sera dirigé par un laïc pour permettre un meilleur accompagnement des évêques dans leur ministère pour permettre une relecture, une évaluation régulière. Nous souffrons nous de ne pas avoir d’altérité suffisante. C’est aussi tout le travail de synodalité qu’on entreprend à travers tous ces chantiers que nous ouvrons".
Revenant également sur la création de groupes de travail, confiés par des laïcs, une véritable démarche synodale, Mgr Leborgne explique "qu’il y a un modèle à faire évoluer. L’originalité de ces neuf groupes de travail, c’est que nous allons les confier à des laïcs qui l’auront en responsabilité. On se rend compte comme toute organisation humaine qu’on a sans doute besoin de contre-pouvoir. On ne cherche pas tant de contre-pouvoir qu’une altérité fraternelle pour ne pas être seuls et pour être ensemble à porter la charge de l’Eglise".
Il achève cet entretien en indiquant que certaines questions devront cependant mériter un travail de concert avec le Vatican. "L’une des décisions que nous avons prise c’est de demander à la commission canonique de la CEF de travailler le rapport de la CIASE pour mettre en lumière tout ce qu’on doit présenter à Rome. Il y a des sujets très délicats. Par exemple : Est-ce qu’il faut toucher à la théologie du ministère sacerdotal ? C’est vrai que cela nous déborde ça nous dépasse donc nous en parlerons à Rome pour voir avec Rome et d’autres pays comment avancer sur ces questions" précise-t-il.
Avant de conclure. "Il y a deux choses qui nous ont vraiment mus cette semaine. La première c’est que la pression ne vient pas des médias, elle n’est pas de la société, mais elle est d’abord des victimes et de Dieu. Nous on veut vraiment se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint et on pense que c’est vraiment Dieu qui nous pousse à poser de nouvelles décisions. La deuxième c’est que l’Eglise qui fait, qui permet ce genre d’actes odieux n’est pas l’Eglise de Jésus Christ. Nous nous voulons servir l’Eglise de Jésus Christ, nous voulons rendre l’espérance à l’Eglise de Jésus Christ. Nous nous sommes faits prêtres et évêques pour annoncer l’Evangile du Salut. Que s’est-il donc passé pour que un tel poison puisse abimer l’Eglise ? Nous espérons que notre travail va servir toute l’Eglise en servant les victimes et en servant un chemin vers une maison plus sûre."
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