Les 30 juin et 7 juillet 2024, des élections législatives anticipées auront lieu en France. Moins de trois semaines après les élections européennes, les Français seront une nouvelle fois appelés aux urnes pour élire leurs députés.
Lors de son discours du 9 juin, annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron avait laissé un peu dans le flou sur la suite du calendrier. Le décret officiel a été publié lundi 10 juin. La période de dépôt des candidatures sera ouverte à partir de mercredi et jusqu’au dimanche 16 juin, 18 h. La campagne des législatives débute officiellement lundi prochain. Il ne restera donc aux candidats des circonscriptions plus que deux semaines pour convaincre.
Les différents groupes ont donc peu de temps donc pour s’organiser, déposer les candidatures. Au regard du code électoral, en cas d’élections le 30 juin, les candidatures pour les législatives auraient dû être déposées au plus tard le 7 juin. Avant même l’annonce de dissolution.
Mais c’est une exception de l’article 12 de la Constitution qu’a déclenché Emmanuel Macron, et qui n’est donc pas couverte par le code électoral. « Le code électoral est pour les élections dites normales. Et par une expression qu’on utilise, la constitution écrase le code électoral, explique le constitutionnaliste Didier Maus. Le cas s’est déjà présenté et cela a été tranché. »
Le code électoral, c’est pour les jours ordinaires et la constitution pour les jours compliqués.
Pourtant, plusieurs juristes et spécialistes du droit électoral ont tout de même indiqué déposer mardi après-midi un recours devant le Conseil constitutionnel pour faire annuler le décret de convocation. S’ils connaissent la prévalence de la constitution, ce sont des considérations techniques qui les poussent à poser ce recours. « Ce délai de 20 jours est incompatible avec tout un tas de dispositions législatives : le vote électronique, la campagne audiovisuelle, les comptes de campagne, le vote des Français de l’étranger, qui doivent se prononcer une semaine avant, » égrène l’un des initiateurs du recours au journal le Figaro.
Le point difficile dans ce type de cas, selon Didier Maus ce n’est pas le juridique, c’est le matériel. « Il faut du papier. Que ce soit pour les affiches, les professions de foi ou les bulletins, énumère-t-il. Certains groupes politiques ont des réserves de papier mais ce n’est pas toujours le cas. Et souvent, les imprimeurs disent que ça va trop vite pour eux. »
Trop rapide aussi pour les communes. Par communiqué, l’association de Maires de France avertis de l’inquiétude de nombre de leurs membres vis-à-vis de leur capacité à organiser des scrutins « dans des conditions satisfaisantes ». Sont mis en avant la difficulté à trouver des assesseurs, mais aussi le calendrier déjà chargé des communes alors que les activités touristiques estivales, les kermesses de fin d’année, les manifestations liées aux Jeux olympiques et Paralympiques, et pour certains même le tour de France, mobilisent leurs équipes.
🔴[COMMUNIQUE DE PRESSE]
— AMF | Association des maires de France (@l_amf) June 10, 2024
L'AMF alerte sur les difficultés d'organisation des scrutins législatifs du 30 juin et 7 juillet
Sans méconnaître la légitimité des prérogatives constitutionnelles du Président de la République, l'AMF regrette que, ni les modalités pratiques de mise en… pic.twitter.com/tHV9brXuwR
Dans les partis politiques, aussi, le compte à rebours a été lancé dès l’annonce du président. « Ma première réaction c’est un peu de la stupeur, se rappelle Olga Givernet, députée sortante Renaissance. Après ça se bouscule dans nos têtes, celles de nos équipes. On se demande est ce qu’on va pouvoir y aller. Est-ce que les équipes seront au rendez-vous ? »
Des équipes qui étaient déjà mobilisés pour la campagne électorale européenne. Mais c’est aujourd’hui une nouvelle élection, de nouveaux candidats, de nouveaux enjeux. Les députés sortants, de tout bords politiques, s’affairent pour convaincre une nouvelle fois, 2 ans après. « Dès lundi, les militantes et militants de ma circonscription sont partis faire du porte-à-porte partout où les gens ont eu des difficultés à voter. Par exemple là où les procurations ne sont pas arrivées, » explique Hadrien Clouet député sortant LFI.
À l’extrême droite aussi, il a fallu vite se lancer en campagne. Le Rassemblement national compte bien surfer sur la dynamique des Européennes. « C’est l’acte deux de la campagne des élections européennes, relativise Alexis Jolly, ex député RN. La dynamique que nous avons créée nous ouvre des perspectives historiques donc nous envisageons cette élection avec sérénité, humilité mais avec une grande détermination. »
« Il faut se recoller au terrain. On sort déjà d’une campagne donc on a pu entendre les problématiques, se rassure Olga Givernet, députée Renaissance depuis 2017. Mais aujourd’hui elles ne sont pas éloignées au Parlement européen. Elles sont beaucoup plus locales et concrètes puisque nous avons l’opportunité de parler de défis nationaux. »
L’Assemblée nationale et la salle des 4 colonnes résonnaient bien vides lundi 10 juin. Les têtes d'affiche s'affairent en coulisses, à la recherche d’une future alliance avec une autre force politique. Front populaire à gauche, refus d’alliance entre Reconquête ! et le Rassemblement National, déchirement des républicains autour d’une alliance avec l’extrême droite confirmée par Jordan Bardella… Mais au-delà des alliances, la plupart des députés sont déjà repartis en circonscription.
Car selon le politologue Thomas Pasquier, cette élection va se jouer sur le terrain, « Les députés ont un bilan, certains sont là depuis 2017. Il va falloir regarder circonscription par circonscription. » Pour lui, une faible mobilisation accentuera cette dimension alors qu’une forte participation la rendra moindre. « Les électeurs qui ne se sont pas déplacés pour les européennes le feront. Soit pour renforcer la majorité en place, soit pour amplifier un mouvement de dégagisme. »
Un mouvement qui a déjà fait son chemin dans les sondages. Un d’entre eux, publié post dissolution dimanche, annonce le Rassemblement national en large majorité au sein de l’hémicycle… Le parti glanerait entre 235 et 265 sièges… Contre 125 à 155 pour le camp présidentiel.
Ce sont seulement des estimations cependant, puisque traditionnellement, la participation est plus importante pour les élections législatives que pour les européennes. Potentiellement la mobilisation anti-RN aussi.
Cependant, Romain Pasquier rappelle que le vote Rassemblement National n’est pas seulement un vote-punition. « Ça sera plus serré. Mais il y a trois scénarios possibles. Soit une victoire à la majorité du rassemblement national et donc cohabitation. Deuxième scénario, une victoire de la majorité et là Emmanuel macron sera conforté et le coup de poker aura marché. Et trois, paralysie. » Un morcellement de l’Assemblée nationale, où aucune majorité ne se dégage. Et pour le politologue, cette option n’aura qu’une conséquence : « Une crise de régime assurée. »
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