Depuis lundi, les évêques allemands sont à Rome pour une visite ad limina de cinq jours. Or, le climat est tendu entre le Vatican et l'Église d'Allemagne. Les propositions du Chemin synodal allemand ne sont pas du goût de Rome, qui craint pour l'unité de l'Église catholique. La rencontre avec le pape François prévue ce jeudi annonce de franches discussions.
Les évêques allemands sont arrivés ce lundi à Rome pour une visite ad limina de cinq jours. (C’est-à-dire une visite que les évêques sont tenus de rendre régulièrement auprès du pape.) Or, depuis 2019, le climat est tenu entre le Saint-Siège et l’Église catholique outre-Rhin. Il y a trois ans en effet, les évêques allemands ont entamé, avec des laïcs, le Synodale Weg ou Chemin synodal. Un processus de réforme engagé en réaction à un rapport sur les abus sexuels. Et qui n'est pas franchement du goût du Saint-Siège.
Né en 2019, le Chemin synodal allemand est représenté par une assemblée de 230 membres, qui compte autant de consacrés que de laïcs. "L’organisation des laïcs allemands est très, très structurée en Allemagne", observe Loup Besmond de Senneville, journaliste de La Croix. Le Chemin synodal allemand a été lancé en réaction à la publication, en 2018, du rapport MHG sur les agressions sexuelles commises par des prêtres – l’équivalent du rapport Sauvé en France. Il a été rédigé à la demande de la Conférence des évêques allemands par des chercheurs des universités de Mannheim, Heidelberg et Giessen – d’où son nom "MHG".
Les membres du Chemin synodal allemand pointent du doigt les causes des abus, comme le manque de place accordé aux femmes dans l’Église, le célibat des prêtres, la morale sexuelle. Ils plaident pour la possibilité de bénir les couples de même sexe ou l'accès des femmes à la prêtrise. Autant de points dont "ils ont fait des programmes de travail : c’est ça qui se déploie depuis 2019 avec des propositions, dont certains peuvent paraître assez novatrice, révolutionnaires", explique Loup Besmond de Senneville. Des propositions qui ne sont pas du goût du Saint-Siège.
Scruté de près par le Vatican, le Chemin synodal de l’Église d’Allemagne suscite une double crainte. Le Saint-Siège craint d'une part "que les propositions qui sont faites ne soient pas compatibles avec la doctrine", selon le correspondant permanent de La Croix à Rome. On craint aussi "que ce Chemin synodal soit un exemple pour d’autres Églises". "Il y a une crainte qui est vraiment très, très forte pour l’unité de l’Église."
Le pape lui-même n’a pas manqué de faire savoir ce qu'il en pense. "Il a critiqué en public à plusieurs reprises en disant : l’Allemagne a une très bonne Église protestante, on n’a pas besoin d’une deuxième !" François a également formulé des critiques en privé : pour lui, les Allemands "jouent à faire un synode car ils ont oublié l’Esprit-saint", rapporte Loup Besmond de Senneville. "Ce que reproche le pape François à l’Église d’Allemagne, aux évêques et aux laïcs allemands, c’est d’avoir fait de ce synode un lieu de confrontation idéologique et politique et c’est précisément ce que le Vatican et le pape veulent éviter lors de ce type de débat." Rappelons que le pape François a lancé en octobre 2021 dans toute l’Église le synode sur la synodalité, qui doit s’achever en octobre 2023. Une démarche de réforme à laquelle il est très attaché.
Si la totalité des membres de l’épiscopat allemand a fait le déplacement à Rome dans le cadre de cette visite ad limina, tous ne sont pas en phase avec les propositions du Chemin synodal. Début septembre 2022, certains se sont par exemple opposés à un rapport de l’assemblée allemande, destiné à repenser la morale sexuelle.
Reste que les membres du Chemin synodal vont pouvoir défendre leurs arguments lors d’une réunion de travail prévue ce jeudi, en présence du pape. Que faut-il attendre de ce face-à-face ? "Ça va être une confrontation de points de vue avec des discussions qui peuvent être assez franches", avance Loup Besmond de Senneville. "Chacun a à cœur aujourd’hui d’expliquer ses positions, d’expliquer ses craintes, précise le journaliste, les Allemands disent : si vous ne nous permettez pas d’avancer sur un certain nombre de points, nous ne serons plus en capacité d’annoncer la foi et d’annoncer la bonne nouvelle du Christ à a société allemande. Et de l’autre côté, le Vatican dit : si vous avancez sur un certain nombre de points, vous n’êtes plus dans la communion et vous menacez clairement l’unité de l’Église."
Certes, "les Allemands nous ont habitués à cette franchise", note l’envoyé spécial de La Croix à Rome, mais, dit-il, "dans l’Église catholique, c’est souvent le pape qui gagne…" À noter, les évêques allemands auront l’occasion de rencontrer à nouveau le pape François ce vendredi matin, lors de la traditionnelle audience accordée par le pape aux évêques en visite ad limina.
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