Le tribunal pénal canonique national (TPCN) a été officiellement installé ce lundi 5 décembre. Sur treize de ses membres qui viennent de prêter serment, cinq sont des laïcs - dont quatre femmes. Le TCPN aura notamment la compétence pour traiter les cas d'abus sexuels et d'emprise sur personne majeure. Rome garde la compétence pour les cas de pédocriminalité.
C’était une préconisation du rapport Sauvé. La création d’un tribunal pénal canonique national avait été annoncée par Mgr Éric de Moulins-Beaufort le 5 octobre 2021, au moment de la remise du rapport de la Ciase (la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église). Le 8 novembre dernier, lors de la dernière assemblée plénière des évêques à Lourdes, le président de la CEF avait annoncé que ce tribunal pénal canonique national serait mis en place au début du mois de décembre 2022, "dès réception du visa du tribunal de la Signature apostolique". C’est donc chose faite, ce lundi 5 décembre, le TPCN a été officiellement installé. En attendant de trouver les locaux adéquats, il siègera dans les locaux de la CEF à Paris.
Ce lundi, cinq des treize membres qui ont prêté serment sont des laïcs. La présence de juges laïcs au sein de ce tribunal avait été fortement recommandée par la commission Sauvé. Le TPCN est présidé par un vicaire judiciaire assisté de deux adjoints : des postes qui ne peuvent être occupés que par des clercs. Tous les membres du TCPN sont nommés par l’épiscopat.
Le TPCN ne pourra se substituer à la justice civile. Il traitera de trois grands types de causes : délits financiers, abus d’autorité - abus de confiance ou cas d’emprise spirituelle - et agressions sexuelles sur majeurs. Les cas de pédocriminalité seront traités à Rome par le dicastère pour la doctrine de la foi, qui garde la compétence pour les délits sexuels commis par des clercs contre des mineurs, les délits contre les sacrements ou pour toutes les affaires mettant en cause des évêques.
Si un évêque "est saisi pour un délit de la part d’un membre, un clerc ou laïc engagé de son diocèse, il n’est plus compétent pour traiter la chose au niveau pénal", explique le Père de Boccard, "il doit rétrocéder la poursuite de cette cause au tribunal pénal national". S’il s’agit d’un délit grave, il revient au tribunal pénal national et au Dicastère pour la doctrine de la foi de "s’arranger entre eux" pour savoir quelle instance traite l’affaire.
La justice sera mieux rendue par des gens plus compétents et disponibles pour rendre cette justice au nom de l’Église
Jusqu’à présent, le pouvoir judiciaire était exercé en dehors des instances romaines par les tribunaux ecclésiastiques (ou officialités), à l’échelle diocésaine ou interdiocésaine. Et ce par délégation de l’évêque à un prêtre, nommé vicaire judiciaire ou official. Parmi les membres du TPCN, un grand nombre seront issus des officialités. Ainsi, "beaucoup de causes seront traitées aussi sur le terrain en fonction des délits qui ont été commis et des lieux où ils ont été commis", explique le Père de Boccard. Selon lui, "c’est une bonne chose de mutualiser les compétences dans un domaine où elles étaient éparpillées elles n’étaient pas coordonnées. La justice sera mieux rendue par des gens plus compétents et disponibles pour rendre cette justice au nom de l’Église."
Le tribunal interdiocésain mis en place par la CEF est unique, il n’existe dans aucune autre conférence épiscopale dans le monde. Une rareté qui s’explique par le fait que le droit pénal a longtemps été mis de côté dans l’Église. "C’était un peu l’esprit du temps dans les années 701, 80, 90, rappelle le Père Nicolas de Boccard, le président du tribunal ecclésiastique de Lyon, la charité, c’est le Christ et le droit et la justice c’est contraire à la charité c’est pas bien, c’est méchant et donc il faut l’éradiquer."
C’est à Benoît XVI que l’on doit la révision du système pénal canonique, qui représente l’un de ses grands chantiers. En 2000, alors qu’il était encore préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (de 1981 jusqu’à son élection en 2005), Joseph Ratzinger a demandé à Jean-Paul II "que les causes graves dans l’Église - ce que l’on appelle les délits graves" soient traités "directement par la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), actuellement Dicastère pour la doctrine de la foi", précise Nicolas de Boccard. Par "délits graves", il faut entendre "les délits essentiellement vis-à-vis des sacrements, en particulier l’eucharistie et la confession, et puis les délits sur mineurs".
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