États-Unis
Cognac, Champagne, vins ; les menaces de taxes douanières de Donald Trump inquiètent fortement la filière viticole. La guerre commerciale voulue par le président américain risque de faire des dégâts sur ces fleurons français.
200 % : c’est le spectre brandi par Donald Trump sur les vins et alcools européens. Cette épée de Damoclès plane depuis le 13 mars, si l’Union européenne ne retire pas les taxes de 50 % annoncées sur le whisky et le bourbon américains. Ces représailles de Bruxelles avaient été annoncées le 12 mars après l’entrée en vigueur des surtaxes américaines de 25 % sur l'acier et l'aluminium.
Les professionnels du vin et des spiritueux français sont donc très inquiets, car les États-Unis sont le principal marché d’exportation. "C’est environ 3,8 milliards d'euros qui ont été exportés en 2024 vers les États-Unis. Et puis, si l’on élargit un peu la vision au niveau européen, c'est tout aussi important, puisque ce sont plus de 8 milliards d'euros d'exportations pour l'ensemble des 27", rappelle Nicolas Ozanam, directeur de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux.
À 200 % de taxes, une bouteille de champagne vendue une soixantaine de dollars passerait ainsi à plus de 180. Actuellement, les droits de douane américains sur le vin français sont à un niveau très bas, autour de 10 centimes d'euro le litre. Les spiritueux étaient eux exonérés de taxes depuis un accord transatlantique de 1997.
En 2018, les producteurs français avaient déjà été soumis à une hausse des droits de douane de 25 % dans le cadre du conflit Airbus-Boeing. Mais aujourd’hui, le contexte est très différent. "La viticulture française est fragilisée", rappelle Thierry Pouch, responsable des études et prospective à Chambre Agriculture France. "La crise viticole s'est amplifiée. Il y a une baisse drastique de la consommation intérieure. Il y a des stocks qui sont quand même assez volumineux. Il y a eu des incidents climatiques graves, surtout l'année dernière. Cette décision américaine intervient au plus mauvais moment", ajoute l’économiste. L’impact pourrait même dépasser le cas des vignerons. "Les activités d'accompagnement, les fabricants de bouteilles, les fabricants d'étiquettes, de cartons, les services de transport et de logistique se trouveraient affectés par ce manque à gagner", estime Nicolas Ozanam.
Le Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC) s'est alarmé ce mercredi d’un risque de "catastrophe d'une ampleur inimaginable" face à ce risque de surtaxation par les États-Unis. La filière doit représenter 70 000 emplois.
Or, le Cognac subit depuis l'automne une surtaxe de la Chine, son autre grand marché à l’export, dans le cadre du bras de fer sur les voitures électriques. Ce qui a entraîné une baisse de 25 % des exportations vers cette destination. Face à cette crise, le BNIC demande le retrait des vins et spiritueux américains de la liste des contre-mesures européennes pour apaiser les tensions. Cette demande est aussi relayée par la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux. "On comprend que l'Union européenne établisse un rapport de force avec les États-Unis pour pouvoir engager une négociation. Mais cibler le bourbon et le whisky américains nous paraît un levier totalement inopérant. Quand vous exportez 8 milliards d'euros au niveau européen pour un peu plus d'un milliard d'euros d'importations américaines, on voit bien que l’on se place dans une situation extrêmement délicate", souligne Nicolas Ozanam.
Si le scénario du pire devait intervenir, les marges de manœuvre seraient assez limitées pour le secteur. "Certaines entreprises pourront peut-être s’adapter en rognant sur leur marge. Il peut exister de nouveaux débouchés. Le Japon est quand même un de nos gros clients. Il y a une marge de progression en Corée du Sud, voire au sein de l'Union européenne", explique Thierry Pouch. Mais Nicolas Ozanam tempère : "Pour pouvoir se reporter sur d'autres marchés, investir commercialement, trouver des distributeurs, promouvoir les produits, etc., c'est quelque chose qui s'inscrit dans la durée." D’autres filières agricoles françaises sont aussi dans le collimateur de Donald Trump, puisqu’une hausse des droits de douane pourrait aussi concerner les produits laitiers, en particulier les fromages.
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