Istres
L’industrie, que l’on a eu tendance à délaisser en France, revient ces dernières années au cœur des préoccupations. Après la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine, le manque de matières premières et l’inflation ont fait du mal à l’économie française. On a ainsi réalisé l’importance d’une industrie solide et indépendante. Par ailleurs, lors du colloque sur la transmission des métiers manuels qui s’est tenu le 21 mars 2023 à l’Institut de France, l’accent a été mis sur l’importance d'attirer les jeunes vers les métiers industriels.
La représentation que l’on se fait du monde de l’industrie est empreinte d’une conception usinière dépassée, issue du siècle dernier. Avec le temps, la France s’est ainsi orientée vers une économie de services. Ces métiers de services sont certes importants mais pas suffisants pour s’assurer une réelle stabilité et indépendance. "La France ne s'auto-suffit plus. On est dépendant au niveau industriel, il faut donc produire français", estime Anne Coffinier, fondatrice de la fondation Kairos. "Il faut être à même de pouvoir produire suffisamment pour assurer cette indépendance", complète Caroline Granier, chargée d’études économiques à La Fabrique de l’industrie.
Ces nouvelles réflexions et la volonté très actuelle d’une transition écologique poussent ainsi différents acteurs à trouver des solutions pour concrétiser cette réindustrialisation de la France, et cela de manière durable. Sans oublier que depuis 2015 la Chine "se refuse à être l’usine du monde", nous rappelle Anne Coffinier. Cela participe au besoin de repenser l’économie française autour d’une industrie locale.
"Aujourd’hui, le secteur manufacturier représente 12% de l’emploi en France. Il était à 24% dans les années 1990", informe Caroline Granier. Ces chiffres inquiètent, mais une certaine stabilité s’est instaurée depuis 2017, d’autant plus avec la prise de conscience de l’importance de l’industrie française. C’est pourquoi la formation de la jeunesse est primordiale. Différents acteurs tentent ainsi de relever ce défi majeur, comme la Fédération nationale des écoles de production (FNEP). "Nous avons des écoles de production, accessibles dès 15 ans, qui offrent des formations diplômantes dans ces métiers", explique Vanessa Dequidt, responsable du développement de la FNEP.
On le voit, les jeunes sont de plus en plus incités à se tourner vers les voies générales “classiques” alors que bon nombre d’entre eux sont attirés par les métiers manuels. Les pousser davantage vers les métiers manuels est nécessaire. "Avec nos formations, les jeunes fabriquent des produits et offrent leurs services à des industries locales. On a 56 écoles sur tout le territoire", ajoute Vanessa Dequidt. Pourtant, même si le modèle français et européen ne peut plus continuer, faire une formation professionnelle n'est pas encore évident pour tous, notamment les parents. "Mais il n’y a pas de fatalité. En Suisse, un tiers des jeunes se dirige vers l’industrie", confie Anne Coffinier.
L’Éducation nationale en France joue un très mauvais rôle et a intégré une espèce de hiérarchie des catégories sociales
Plusieurs préjugés sur les métiers de l’industrie sont donc à démonter pour changer les mentalités. On a souvent entendu que les métiers manuels "sont peu payés". Mais dans les faits, ils offrent souvent une meilleure rémunération. "L’Éducation nationale en France joue un très mauvais rôle et a intégré une espèce de hiérarchie des catégories sociales. Cette conception s’est ancrée dans l’esprit de nos contemporains : moins on met les mains dans le cambouis, plus on a une position sociale envieuse", affirme Anne Coffinier, et de rajouter "on est homo faber, celui qui fabrique. Il y a un accomplissement humain profond lorsqu’on fabrique quelque chose".
Autre défi : attirer les jeunes mais aussi les parents qui ont encore des a priori. "On fait rapidement travailler les jeunes sur une pièce pour qu’ils soient fiers et pour donner envie à leurs parents", indique Vanessa Dequidt. Également, bon nombre de parents entretiennent, souvent malgré eux, l’idée selon laquelle les métiers manuels sont des métiers masculins. "Beaucoup de jeunes filles ont eu des difficultés pour arriver dans nos écoles car on les pousse voire les force à aller vers des métiers perçus comme féminins" complète la responsable du développement de la FNEP.
Mais les choses bougent. Les formations aux métiers de l’industrie se développent et attirent de plus en plus de jeunes hommes et de jeunes femmes. Qui plus est, on se rend compte de l’intérêt d’avoir une industrie française forte, et de tendre vers une économie solide et indépendante.
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